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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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la question. Pas plus que je ne pris la
peine de faire remarquer à Tofaa que tout ce qu’elle m’avait rapporté durant le
voyage – sur la préoccupation des Hindous au sujet du péché, les précautions
prises pour y obvier et les sinistres châtiments prévus – ne semblait pas avoir
contribué à élever beaucoup la moralité de son peuple.
    Notre destination, la capitale Kumbakonam, n’était pas
très éloignée, mais nul paysan n’avait de montures à nous vendre, et il s’en
trouva bien peu pour accepter de nous transporter contre paiement jusqu’au
prochain village (à moins, bien sûr, qu’ils n’en aient été empêchés par leurs femmes).
Tofaa et moi en fûmes donc réduits à d’exaspérantes petites étapes, lorsque
nous avions la chance de trouver une charrette ou un conducteur de bestiaux
allant dans notre direction. Nous progressâmes lentement, ballottés dans des
chars à bœufs, écartelés sur l’échiné étique de ces bestiaux, perchés à
califourchon sur la croupe d’ânes de bât ou même, une ou deux fois, chevauchant
sur de véritables selles. Bien souvent, nous fûmes réduits à marcher, ce qui
nous obligeait à dormir au bord des routes, dans les buissons. Tout cela ne
m’était cependant pas insupportable, excepté la nuit où Tofaa, pouffant
sottement de rire, prétendit que je m’ingéniais à la promener dans la nature
pour pouvoir mieux la violer, et, ayant refusé de le faire, je me vis accablé
tout le reste de la nuit de récriminations sur la façon bien peu galante dont
je traitais une noble dame née « Cadeau des dieux ».
    Le dernier village sur notre route avait un nom plus
grand que toute sa population réunie – Jayamkondacholapuram – et n’est digne
d’être mentionné que pour l’événement qui s’y déroula. Tofaa et moi occupions
une nouvelle hutte scellée à la bouse et étions en train de souper d’une
mystérieuse substance couverte de kàri, quand s’éleva soudain un
grondement sourd semblable à un lointain tonnerre. Notre hôte et notre hôtesse
se dressèrent immédiatement en hurlant à l’unisson : « Aswamheda ! » et sortirent en courant de la maison, poussant du passage à coups de pied
quelques-uns de leurs enfants qui s’étalèrent face contre terre.
    — Qu’est-ce donc que cela, Aswamheda ? demandai-je
à Tofaa.
    — Je n’en ai aucune idée. Cela ne désigne rien
d’autre que le fait de fuir.
    — Peut-être serait-il sage, dans ce cas, d’imiter
nos hôtes et de décamper à notre tour.
    Nous enjambâmes les enfants et sortîmes dans l’unique
rue de la ville. Le grondement étant à présent tout proche, je pus constater
qu’il émanait d’un troupeau d’animaux lancé en pleine course qui venait du sud.
Tous les Jayamkondacholapuramites fuirent le bruit, en files paniquées,
piétinant avec insouciance les nombreux très jeunes enfants et vieillards
chenus qui avaient le malheur de tomber devant eux. Quelques-uns des villageois
les plus vifs grimpèrent aux arbres ou sur les toits de chaume de leurs habitations.
    Je vis les premiers membres du troupeau entrer au
grand galop par l’extrémité sud de la ville et compris qu’il s’agissait de
chevaux. Il se trouve que je connais bien les équidés, et je savais que même
s’ils n’étaient pas les créatures les plus intelligentes du règne animal ils
avaient plus de bons sens que les Hindous. Même les yeux fous et l’écume aux
dents, jamais un troupeau en fuite n’irait piétiner un être humain étendu sur
son passage. Il sautera par-dessus ou de côté, fera un tonneau si nécessaire,
mais jamais il n’écrasera un homme ou une femme gisant devant ses sabots. Je me
tins donc simplement prostré dans la rue, ayant entraîné Tofaa à mes côtés
malgré ses hurlements de terreur. Je nous maintins couchés immobiles, et, comme
je l’avais prévu, le troupeau affolé se sépara pour nous éviter, bondissant
dans une terrible cavalcade de part et d’autre de nos corps. Les chevaux
prirent aussi bien garde d’esquiver ceux, inertes, de personnes âgées et
d’enfants déjà broyés par leurs proches, leurs amis ou leurs voisins.
    Lorsque le dernier des chevaux disparut sur la route
menant au nord, les gens descendirent de leurs arbres et de leurs toits dans la
poussière qui retombait et revinrent sans se presser du point vers lequel ils
avaient déguerpi. Ils entamèrent aussitôt un concert de chants funèbres et de
lamentations tout en

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