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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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rue, Tofaa et moi
nous présentâmes sur le seuil, et elle frappa sur le montant de porte branlant.
Ce qui se passa ensuite est relaté suivant la traduction que m’en donna
ultérieurement Tofaa.
    L’homme se présenta dans l’embrasure et releva
fièrement la tête pour ne nous montrer que ses narines. Cette fois, c’est Tofaa
qui s’adressa à lui dans un murmure obséquieux.
    — Quoi ? Des étrangers ! rugit-il assez fort pour être entendu jusque sur les quais du port. Des
pèlerins, c’est ça ? Non, vraiment, pas ici ! Mais je m’en fiche,
madame, que vous soyez de la caste brahmane ! Vous ne croyez pas que je
vais donner abri à n’importe quel mendiant, non ? Et je défends à ma
femme...
    Non seulement il s’arrêta en pleine gueulante, mais il
s’évanouit littéralement, balayé comme une mouche, tandis qu’un bras brun foncé
et charnu le repoussait fermement vers l’arrière. Une imposante matrone de même
couleur que le bras parut à sa place, sourit largement et nous glissa d’une
voix sirupeuse :
    — Des pèlerins, c’est bien cela ? Vous
cherchez où dormir et de quoi manger ? Mais entrez donc ! Ne faites
pas attention à mon ver de terre de mari. Il est fort en gueule, mais en gueule
seulement ; il joue au grand seigneur. Entrez, je vous prie, et faites
comme chez vous.
    Aussi, Tofaa et moi traînâmes nos bagages dans la
maison où l’on nous montra la chambre dans laquelle les ranger. La pièce
tapissée à la bouse de vache était entièrement occupée par quatre lits
semblables à l’hindora que j’avais déjà connue ailleurs, mais pas aussi
confortables. Une hindora est un grabat suspendu à des cordes pendues au
plafond, mais cette variante, nommée palang, n’était autre qu’une sorte
de tube de tissu fendu sur le côté, comme un sac coupé dans le sens de la
longueur, rattaché par chaque extrémité aux murs et se balançant librement.
Deux des palang portaient un essaim d’enfants brun foncé entièrement
nus, mais la femme les fit sortir sans plus de cérémonie qu’elle n’en avait mis
à évacuer son mari et nous expliqua que nous dormirions dans cette pièce, Tofaa
et moi, en compagnie d’elle-même et de son époux.
    Nous regagnâmes l’autre pièce – cette hutte n’en
comptait que deux –, et la femme éloigna une fois encore les enfants qu’elle
poussa littéralement dans la rue pendant qu’elle nous préparait le repas. Quand
elle nous tendit à chacun une tablette de bois, je reconnus la nourriture qui
se trouvait dessus... ou plutôt la sauce à consistance de mucus, le fameux kàri que j’avais goûté en traversant les montagnes du Pamir. Ce mot était du
reste le seul de la langue de nos hôtes qui me soit resté de ce lointain voyage
en compagnie de Chola. Dans mon souvenir, ceux-là avaient fait preuve d’une
virilité que n’avait pas mon hôte. Mais ils n’avaient pas de femme avec eux,
reconnaissons-le aussi.
    L’homme et moi ne pouvant converser, nous nous
contentâmes de nous accroupir l’un en face de l’autre et de manger notre peu
appétissant repas en nous adressant de temps à autre des signes de tête de
bonne compagnie. Je dus passer pour un damoiseau aussi aplati que lui car nous
restâmes tous deux parfaitement muets à grignoter comme des souris, tandis que
les deux femmes jacassaient en vociférant, échangeant – Tofaa m’en informa plus
tard – des propos sur ce que valaient les hommes.
    — Il est bien connu, fit remarquer la matrone,
qu’un homme n’en est vraiment un que lorsqu’il est rempli d’une passion virile
et qu’il ne supporte aucune vexation avec soumission. Mais est-il spectacle
plus pathétique et pitoyable, fît-elle en menaçant du couteau de cuisine son
mari, qu’un pleutre qui joue la colère ?
    — On dit bien, renchérit Tofaa, qu’un petit
bassin est vite rempli et que cela dénonce souvent une femmelette. Un homme
aussi falot est d’ailleurs très vite satisfait.
    — J’ai été mariée dans le temps au frère de
celui-ci, fit la matrone. Quand je suis devenue veuve et que ses camarades pêcheurs
m’ont ramené mon mari mort, écrasé sur le pont du bateau, paraît-il, par un dugong qui se débattait, j’aurais dû me comporter en digne sati et me jeter
dans le feu de son bûcher funéraire. Mais j’étais encore jeune et sans enfant,
aussi le sâdhu du village me pressa d’épouser mon beau-frère et d’avoir
des enfants pour prolonger la lignée. Ah, il

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