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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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afin de s’assurer qu’il ne serait pas tenté,
au cours de ses tractations – qui consistent avant tout à escroquer le chaland
–, de favoriser ses proches. De la même façon, on avait soin de ne pas
prolonger son poste plus de trois ans au même endroit, afin qu’il ne se fasse
pas d’amis trop sûrs auxquels il eût consenti des largesses. Voilà pourquoi,
dans toutes nos provinces, villes et villages, ce sont toujours des étrangers
qui gouvernent. Peut-être trouvent-ils simplement nos séides musulmans un
tantinet plus exotiques...
    — Mais, outre des Arabes et des Persans, j’ai vu
bien d’autres nationalités encore, aux abords du palais.
    — Absolument, confirma le khakhan. Pour les
postes subalternes de la cour, tels que le Maître Sommelier, le Réchauffeur des
Espaces et l’Orfèvre, entre autres, je me contente de sélectionner tout
simplement les meilleurs à leur poste, et seul leur talent me guide, qu’ils
soient Han, musulmans, Ferenghi, Juifs ou autres.
    — Tout cela semble aussi sensé qu’efficace, Sire.
    — Il t’appartiendra de t’en assurer. Tu vas le
faire en examinant une à une toutes les chambres, les pièces et les salles de
comptabilité depuis lesquelles est administré cet empire. J’ai demandé à
Chingkim de te présenter à tous les officiels et les courtisans, quel que soit
leur grade, et il les sommera de parler franchement avec toi de leur travail et
des tâches qui sont les leurs. Tu seras gratifié d’un traitement confortable,
et, chaque semaine, je t’accorderai une heure d’audience afin que tu me rendes
tes rapports. Je saurai ainsi à quelle vitesse tu apprends, et plus important
encore, la façon dont tu parviens à ressentir le véritable goût des
choses.
    — Je ferai de mon mieux, Sire, promis-je.
    Là-dessus nous exécutâmes, Chingkim et moi, le plus
profond ko-tou qui nous fût autorisé, avant de quitter la pièce.
    J’avais déjà décidé que, pour ma prochaine entrevue
avec le khakhan, je m’efforcerais de le sidérer, et c’est ce que je fis. Quand
je fus appelé auprès de lui, la semaine suivante, je lui annonçai :
    — Je vais vous montrer, Sire, comment fonctionne
votre détecteur de séismes. Vous voyez qu’est suspendu ici, s’enfonçant dans la
gorge du vase, un lourd pendule. Quoique délicatement accroché, il ne bouge absolument
pas, quelles que soient les secousses qui peuvent ébranler cette pièce. Ce
n’est que lorsque la grosse urne tremble tout entière, c’est-à-dire au moment
où la pesante masse du bâtiment lui-même se trouve secouée, que ledit pendule semble se mettre à bouger. En réalité, il demeure absolument immobile et
vertical ; son léger déplacement apparent ne provient que du frémissement
imperceptible de son contenant. Ainsi, dès qu’un tremblement de terre, même
lointain, envoie la plus petite vibration dans le sol, celle-ci se propage au
palais, au sol puis à l’urne, et suffit à provoquer une légère pression du
pendule sur l’une de ces délicates tiges métalliques articulées – vous voyez,
il y en a huit – dont le mouvement va desserrer les charnières des mâchoires
d’un des dragons, lequel lâchera aussitôt sa perle.
    — Je vois... Oui ! Décidément, l’Orfèvre de
la Cour est un homme ingénieux. Et toi aussi, Marco Polo. Tu as bien saisi que
le hautain khakhan ne s’abaisserait jamais à confesser son ignorance à un
simple forgeron, ni à lui demander une explication. Et tu l’as fait à ma place.
Ta finesse dans la perception des choses se confirme.

 
5
    Mais ces paroles gratifiantes ne vinrent que plus
tard. Le jour où Chingkim et moi quittâmes la présence de son royal père, le
prince me lança d’un ton enjoué :
    — Alors ? Quel courtisan, petit ou grand,
entends-tu interroger en premier ?
    Et lorsque j’émis l’idée de commencer par
l’orfèvre :
    — Curieux choix, mais après tout, pourquoi pas ?
Le digne homme passe son temps dans le fracas de sa forge, et ce n’est pas
précisément l’endroit propice pour une conversation. Je vais faire en sorte
qu’il aille nous attendre dans son atelier de fabrication, nettement plus
calme. Je t’y appellerai d’ici une heure.
    Je me rendis donc dans la suite de mon père afin de
lui expliquer ma nouvelle situation. Je le trouvai assis à côté d’une de ses
servantes, laquelle était en train de le rafraîchir du mouvement de son
éventail. Il fit un signe en direction d’une

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