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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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à qui
nous avons enseigné les méthodes de culture. D’après ce que nous avons pu
apprendre, nous nous trouvons à présent à la tête d’une assez considérable
plantation de crocus, ainsi que d’une réserve non moins respectable de safran
pressé en briques ou en train de sécher dans des meules. Cette épice étant
inconnue en Orient et nous-mêmes étant assurés sur ce produit d’un monopole
intégral, eh bien... tu n’as qu’à imaginer !
    Admiratif, je lâchai :
    — Si j’avais su cela, je ne me serais jamais
lamenté sur vos perspectives d’avenir. Et que Dieu protège les félins musulmans
qui oseront sauter sur les souris vénitiennes.
    Mon père hocha la tête, laissant sourdre, l’œil
malicieux, cet autre proverbe : « Mieux vaut faire envie que
pitié ! »
    — Bruto scherzo !
    Cette interjection, venue de la pièce voisine, vint
interrompre notre colloque. Nous entendîmes s’élever des éclats de voix dont
les plus appuyés émanaient à l’évidence de l’oncle Matteo, noyés dans une série
d’autres bruits fracassants. On aurait dit que l’on projetait par terre meubles
et objets, comme pour appuyer les jurons et les malédictions proférés par mon
oncle en vénitien, en farsi, en mongol et sans doute dans d’autres
langues :
    — Scarabazze ! Badbu qassab !
Karakurt !
    Comme s’ils avaient été projetés hors de la pièce,
trois vénérables gentilshommes Han furent alors littéralement catapultés à
travers les rideaux de la Porte du Vase. Sans esquisser la moindre inclinaison
de tête en direction de mon père ou de moi-même, ils traversèrent la pièce sur
leur élan, fuyant comme si leur vie en dépendait, et parcoururent ainsi
l’intégralité de la suite. Aussitôt après leur sortie précipitée, la silhouette
d’oncle Matteo surgit à son tour, éructant toujours d’épouvantables insanités.
Ses yeux lançaient des éclairs, sa barbe était hérissée comme si elle était
faite de plumes, et le désordre de ses vêtements témoignait encore de l’examen
médical qu’il venait de subir.
    — Matteo ! lança mon père, alarmé. Mais au
nom du ciel, que t’arrive-t-il ?
    Brandissant vers les docteurs disparus son poing fermé
tout en l’ouvrant alternativement dans le geste dressé d’un vulgaire doigt
d’honneur, mon oncle continuait à rugir d’énergiques et suggestives épithètes.
    — Fottuti ! Pedarat namard ! Che ghe
vegna la giandussa ! Espèces de Kalmouks, vakh !
    Mon père et moi, unissant nos efforts pour maîtriser
son agitation, finîmes par le contraindre gentiment à s’asseoir, tout en lui
criant : « Matteo ! », « Mon oncle ! »,
« Calme-toi ! » et « Par tous les saints du ciel, qu’est-il
donc arrivé ? »
    Il nous jeta, furieux :
    — Je ne veux pas en parler !
    — Pas en parler ? répéta mon père avec
ironie. Tu viens pourtant de faire résonner des échos jusqu’à Xan-du.
    — Merda ! grommela
mon oncle tout en arrangeant ses habits.
    — Je vais voir si je peux rattraper les docteurs,
dis-je, et je le leur demanderai.
    — Oh, laisse tomber ! grogna oncle Matteo.
Après tout, je peux aussi bien vous le révéler...
    Il entreprit de le faire, entrecoupant son récit de
vigoureuses exclamations.
    — Vous vous souvenez de la maladie dont j’ai été
victime ? Dona Lugia !
    — Oui, bien sûr, répondit mon père. Je crois même
qu’il s’agissait du kala-azar.
    — Et vous vous rappelez la prescription de ce
stibium par le hakim Mimdad, qui devait me sauver la vie mais me coûter
les couilles ? Ce qu’il a fait, sangue de Bacco !
    — Bien sûr, répéta mon père. Qu’y a-t-il,
Matteo ? Les médecins ont-ils découvert que tu étais destiné au
pire ?
    — Au pire, dis-tu ? Qu’est-ce qui pourrait
être pire, franchement ? Non ! Ces damnés scataroni m’ont
juste informé, d’une voix mielleuse, que je n’aurais jamais dû avaler ce foutu
stibium ! Ils m’ont assuré qu’ils auraient pu guérir mon kala-azar en
me faisant tout simplement ingurgiter du mildiou !
    — Du mildiou ?
    — Oui, une sorte de moisissure verdâtre qui tend
à se développer dans les vieux casiers à millet vides. À les en croire, ce
traitement aurait suffi à me rendre la santé, sans affecter aucunement mon
intégrité physique ! Je n’aurais jamais vu se ratatiner mes pendeloques !
Ce n’est pas merveilleux d’apprendre cela maintenant) Juste un peu de
mildiou !

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