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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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rendait aussi
nerveux, mais il prononça son discours avec agitation, bredouillant, hésitant
et hachant son propos d’incessants « euh... »,
« disons... », « voyez-vous... », « n’est-ce
pas... », « c’est-à-dire... » et autres « comment dirais-je... »,
quand ce n’étaient pas des « hum-hum... ».
    — C’est que, même les... euh... conquérants
mongols sont... disons... peu nombreux par rapport à nous autres Han,
expliquait-il. Les... comment dirais-je... nationalités annexes sont elles
encore moins représentées. C’est le cas, par exemple, voyez-vous... dans les
régions occidentales, des... euh... soi-disant Ouighours, mais aussi des
Ouzbeks, des Kirghizes, des Kazakhs et des... euh... Tadjiks. Ici, dans le
Nord, il y a aussi... disons... des Mandchous, des Toungouzes et des Hezhe. Et,
voyez-vous... lorsque le khan Kubilaï aura... comment dirais-je... achevé sa...
hum-hum... euh... conquête de l’empire Song, eh bien... nous absorberons du
même coup... c’est-à-dire... euh... toutes les nationalités qui s’y trouvent
englobées. C’est-à-dire, si vous voulez... les Naxi, les Miao, les Puyi et les
Chuang. Il faut y ajouter... hum-hum... euh... les turbulents Yi qui
peuplent... euh... disons... l’intégralité de la province du Yunnan, dans le
lointain Sud-Ouest, et puis...
    Il continua à ce rythme, et, franchement, je crois que
je me serais endormi si mon esprit n’avait été occupé à relever constamment ses
« euh... », ses « disons... », ses « comment
dirais-je ». Mais même quand il l’eut enfin achevé, je trouvai son
discours parfaitement creux. Il ne contenait assurément nul élément honteux ou
sinistre qui nécessitât d’en masquer les idées dans ces broussailles
langagières. Pourquoi diable le ministre Pao se sentait-il obligé d’ânonner de
façon si heurtée ? Instinctivement, je soupçonnai quelque chose de louche
derrière cette élocution hésitante et devinai qu’il s’exprimait de la sorte
sciemment, afin que je ne puisse pas tout saisir. J’en étais sûr. La suite
allait démontrer que j’avais raison.
    Lorsque j’en eus enfin terminé avec lui, je revins
dans mes appartements et me dirigeai vers le vestiaire octroyé à Narine en
guise de chambre pour y étendre sa paillasse. Il était en train de dormir, bien
que nous fussions encore dans l’après-midi. Je le secouai et lui
annonçai :
    — Tu es trop désœuvré, esclave débraillé, aussi ai-je
pensé à te confier un travail.
    Il est vrai que, depuis quelque temps, Narine
jouissait d’une vie plutôt indolente. Mon père et mon oncle, n’ayant pas besoin
de ses services, m’avaient abandonné son usage. Mais j’étais moi-même déjà si
bien servi par les jumelles Buyantu et Biliktu que je n’employais Narine qu’à
des tâches simples : me constituer une garde-robe d’un style acceptable à
Kithai, la conserver bien rangée et, à l’occasion, aller me seller un cheval.
Entre-temps, Narine évitait de rôder en quête de mauvaises actions. Il semblait
avoir dominé ses vieux instincts pervers et son indiscrétion coutumière. Il
passait dans son réduit l’essentiel de son temps, excepté lorsqu’il
s’aventurait jusqu’aux cuisines pour aller s’y chercher un repas ou quand je
l’invitais à partager le mien dans ma chambre. Je ne le lui permettais pas
souvent, car les filles, rebutées par son apparence, ne se sentaient en outre
guère à l’aise, en tant que Mongoles, d’avoir à servir un esclave.
    Il parvint à se réveiller, grognant de vagues «  Bismillah, maître ! » et bâillant si fort que son unique narine sembla
s’agrandir encore plus largement.
    Je fis remarquer, sévère :
    — Et voilà ! Pendant que je suis occupé
toute la journée, mon esclave, lui, dort paisiblement. Je suis chargé d’évaluer
les courtisans du khakhan en allant les voir en personne, pour avoir avec eux
des discussions ouvertes ; mais toi, tu pourrais en apprendre bien plus
encore, j’en suis sûr, derrière leur dos.
    — Dois-je comprendre, maître, grommela-t-il, que
vous voudriez pour cela que je me fonde dans la masse de leurs
domestiques ? Comment le pourrais-je ? Je suis un étranger, un nouvel
arrivant, ici, et ma maîtrise du mongol est encore bien aléatoire.
    — Les étrangers ne manquent pas dans la
domesticité. Il y a des prisonniers venus de partout. Les commérages qu’ils
échangent entre deux portes doivent

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