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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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absolu. De son vivant, Alexandre ne s’était pas comporté autrement.
    Bien des années plus tard, certains, refusant de
croire que le simple Marco Polo que j’avais été ait pu faire aussi intimement
connaissance avec l’homme le plus puissant du monde, m’ont qualifié de
« prétentieux menteur ». D’autres, me traitant de « servile
sycophante », m’ont accusé de faire l’apologie d’un dictateur.
    Je comprends parfaitement qu’il ne soit pas facile de
croire que le puissant et hautain khan de tous les khans ait pu baisser les
yeux sur un étranger d’un rang aussi inférieur que le mien en lui témoignant
affection et confiance. Mais le fait est que le khakhan se trouvait en position
si dominante par rapport à tous les autres hommes qu’à ses yeux les
seigneurs et les nobles, les hommes du peuple et peut-être même les esclaves
semblaient être au même niveau, au fond. Il n’était donc pas plus étonnant
qu’il fît attention à moi qu’il prêtât l’oreille, par exemple, à l’un de ses
plus proches ministres. De plus, si l’on veut bien se remémorer l’origine aussi
humble que géographiquement distante des Mongols, Kubilaï n’était à tout
prendre guère moins étranger que je pouvais l’être à ces exotiques parages de
Kithai.
    Quant à l’allégation de sycophante dont certains ont
voulu m’accabler, il est vrai que je n’ai jamais eu à subir personnellement
aucun de ses caprices, ni aucune de ses lubies. Il est vrai aussi qu’il me voua
rapidement un attachement profond, qu’il me confia des responsabilités et fit
de moi un confident. Mais ce n’est pas pour cela que je continue à défendre et
à louer le khakhan. C’est justement parce que j’ai fait partie de ses intimes
que j’ai pu juger, peut-être mieux que quiconque, combien son incroyable
autorité était maniée avec la sagesse de l’homme avisé. Si despotique qu’il ait
pu être, loin d’improviser, il a toujours pris ses décisions comme le moyen de
parvenir à une fin jugée digne et bénéfique. Contrairement à la philosophie
professée par mon oncle Matteo, Kubilaï n’était malfaisant que dans la mesure
où il devait l’être, et aussi bon, en réalité, qu’il le pouvait.
    Malgré les épais cercles concentriques d’avocats, de
ministres, de conseillers et d’officiels de tous ordres qui l’entouraient,
jamais le khakhan ne les laissa s’ériger en mur entre son royaume et lui, entre
ses sujets et lui. Il resta toujours scrupuleusement attentif à la façon dont
il gouvernait, jusque dans les moindres détails. Comme je l’avais vu faire lors
du Cheng, même s’il acceptait de déléguer certaines réflexions de détail, voire
les aspects préliminaires de questions importantes, il n’en gardait pas moins
sur toute chose le dernier mot. J’aurais pu le comparer, lui et sa cour, aux
flottes de vaisseaux que j’avais pu observer sur la rivière Jaune. Le khakhan
était le chuan, le plus gros bateau dirigé par un ferme gouvernail,
maintenu d’une main énergique. Les ministres à ses ordres étaient des simples
sampans chargés de missions secondaires en eaux peu profondes, des chalands qui
faisaient la navette entre les cargos et le chuan, le vaisseau amiral de
la flotte. Seul l’un d’entre eux, l’Arabe Ahmad, Premier ministre, vice-régent
et ministre des Finances de l’empire, avait lieu d’être apparenté à un hu-pan en forme de croissant, savamment dessiné pour épouser les courbes, tournant
constamment bord sur bord, quoique croisant toujours dans les parages sûrs de
la côte. Mais de cet Ahmad, cet homme aussi tordu que l’était un hu-pan, je
reparlerai en temps voulu.
    Comme sans doute le fabuleux Prêtre Jean, Kubilaï
devait régner sur un conglomérat de nations diverses et de peuples disparates,
dont beaucoup se détestaient. Comme Alexandre, Kubilaï avait cherché à les
fondre harmonieusement, discernant dans leurs cultures variées les traits, les
idées et les réalisations les plus admirables, tentant d’en faire profiter le plus
grand nombre, pour le bien de son peuple tout entier. Bien sûr, Kubilaï n’a
jamais eu la sainteté du Prêtre Jean, pas même celle d’un chrétien, ni celle
d’un adorateur des dieux comme avait pu l’être Alexandre. Tout le temps que je
l’ai fréquenté, Kubilaï n’a jamais reconnu d’autre déité que Tengri, dieu
mongol de la guerre, et accessoirement quelques idoles mineures de son peuple,
telle

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