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Marco Polo

Marco Polo

Titel: Marco Polo Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gary Jennings
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en direction des îles de Cipangu [9] , l’empire des
Nains. Cette tentative probatoire a été repoussée par les Nains, mais Kubilaï
réessaiera certainement, cette fois avec beaucoup plus de force.
    Le ministre demeura un instant debout à contempler
cette immense et splendide maquette géographique, puis il laissa tomber,
rêveur :
    — Quelle importance, ce qu’il pourra
conquérir ? Quand les Song seront tombés, il ne possédera jamais que ce
que les Han ont un jour dominé.
    Il semblait si indifférent à cette perspective que je
lui fis remarquer :
    — Si cette idée vous affecte, monsieur le ministre,
vous n’avez pas besoin de me le cacher. Je pourrai le comprendre, vous savez.
Après tout, vous êtes un Han...
    — M’affecter ? Pourquoi ? (Il haussa
les épaules.) Le mille-pattes, lorsqu’il vient à mourir, ne peut plus tomber.
Fort intelligemment pourvus, comme lui, de membres multiples, les Han ont
depuis toujours tout supporté, tout enduré.
    Il commença de recouvrir la carte du drap.
    — Ou si vous préférez une image plus parlante,
grand frère, comme une femme durant le jiao-gou, nous nous contentons
d’absorber et d’envelopper la lance qui nous empale.
    Sans aucune agressivité, à présent que j’avais acquis
pour le jeune artiste une véritable sympathie, je notai :
    — Le jiao-gou semble décidément occuper
une part essentielle de vos pensées !
    — Le contraire serait étonnant... Ne suis-je pas
réduit à jouer le rôle d’une prostituée, au fond ? (Puis, reprenant un ton
chaleureux et enjoué, il me reconduisit dans son bureau principal.) Cependant,
on dit justement que, de toutes les femmes, c’est la prostituée qui déteste le
plus être violée. Tenez, voyez ce que j’étais en train de dessiner lorsque vous
êtes entré.
    Il déplia le rouleau de soie sur le bureau, et une
nouvelle expression de stupeur m’échappa :
    — Porco Dio !
    Je n’avais jamais contemplé pareille image. Elle était
en effet exceptionnelle, à plus d’un titre. Jamais, à Venise où pourtant les
œuvres d’art abondent, ni dans aucun des pays que j’avais parcourus jusque-là,
je n’avais pu admirer un tableau au dessin aussi exquis, aux couleurs aussi
fraîches. La vie elle-même semblait avoir été capturée sur cette toile.
On avait l’impression, par le jeu de l’ombre et de la lumière, de pouvoir
souligner du doigt ses reliefs et en épouser les creux. Les sinuosités du
dessin paraissaient sur le point de le mettre en mouvement sous mes yeux...
Pourtant, ce n’était rien d’autre qu’une image couchée – oui, il n’y avait pas
de doute –, comme n’importe quelle autre image, sur une surface plane.
    — Observez-en bien les aspects..., commenta
maître Chao de la voix ronronnante d’un chanoine commentant les mosaïques des
saints qui ornent la basilique San Marco. Seul un artiste qui maîtrise la
technique raffinée du feng shui peut évoquer, avec un rendu parfait, la
substance des choses et le toucher de la chair...
    Il est vrai, sans aucun doute possible, que chacun des
six personnages représentés sur le tableau de maître Chao était instantanément
reconnaissable. Je les avais déjà tous vus au palais, en chair et en os. Ici,
pourtant, ils étaient fixés sur la soie, de leurs cheveux à la nuance de leur
peau, jusqu’aux broderies de leur habit et aux petites étincelles de vie qui
animaient leurs prunelles. Tous les six semblaient saisis en pleine vie, mais
figés dans leurs mouvements et comme réduits, par l’effet de je ne sais quel
prodige, à la taille de ma main.
    — Remarquez la composition de l’ensemble,
continua maître Chao,   assez   pince-sans-rire  
pour   contrôler   toute nuance d’amusement dans sa voix.
Voyez comme toutes les courbes, les directions du mouvement guident les yeux
vers le principal personnage en action.
    À cet égard, l’image était très différente de celles
que j’avais déjà contemplées. Le personnage principal évoqué par maître Chao
était son seigneur lige (ainsi que le mien, par la même occasion), le khan de
tous les khans, Kubilaï en personne, sans nul doute possible, bien que le seul
élément qui marquât sa souveraineté fût son casque morion doré, qui était tout ce qu’il portait. Sur cette image, il s’affairait avec une jeune dame
allongée sur une couche, dont la robe de brocart était scandaleusement relevée
au-dessus de la poitrine. Je reconnus la

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