Marcof-le-malouin
cet endroit où vous me retenez par la force !
– Peste ! chère enfant ! répondit Raphaël, comme vous y allez ! Croyez-vous donc que j’ai fait la nuit dernière douze lieues à franc étrier et vidé ma bourse pour me priver aussi vite de votre charmante présence ? Non pas ! de par Dieu ! vous êtes ici et vous y resterez de gré ou de force, bien qu’à vrai dire je préférerais vous garder près de moi sans avoir recours à la violence.
– Mais, encore une fois, s’écria la pauvre enfant, de quel droit agissez-vous ainsi que vous le faites ? Où suis-je donc ici ? Qui êtes-vous ? Vous me retenez par la force, vous l’avouez ! Vous violentez une femme et vous osez encore l’insulter ! Au costume que vous portez, monsieur, je vous eusse pris pour un gentilhomme. N’êtes-vous donc qu’un bandit et avez-vous volé l’habit qui vous couvre !
– Là ! ma toute belle ! répondit le chevalier en souriant et en s’efforçant de prendre une main qu’Yvonne retira vivement ; là, ne vous emportez pas ! Si mes paroles vous ont offensée, je ne fais nulle difficulté de les rétracter, et cela à l’instant même.
– Répondez ! dit Yvonne avec violence, répondez, monsieur !… De quel droit avez-vous attenté à ma liberté ? je ne vous connais pas ; je ne vous ai jamais vu ! Qui êtes-vous et que me voulez-vous ?
– Quel déluge de questions ! Ma chère enfant, je veux bien vous répondre ; mais, s’il vous plait, procédons par ordre ! Vous me demandez de quel droit je vous ai enlevée.
– Oui !
– Est-il donc nécessaire que je le dise et ne le devinez-vous pas ?
– Parlez, monsieur, parlez vite !
– Eh bien, ma gracieuse Yvonne, ce droit que vous voulez sans doute me contester maintenant, ce sont, vos beaux yeux qui me l’ont donné jadis !
– Vous osez dire cela ! s’écria Yvonne, stupéfaite de l’aplomb de son interlocuteur.
– Sans doute.
– Vous mentez !
– Non pas ! je vous jure…
– Mais alors, expliquez-vous donc, monsieur ! Ne voyez-vous pas que vous me torturez ?
– Calmez-vous, de grâce !
– Répondez-moi !
– Eh bien ! je vous ai dit la vérité !
– Mais je ne vous connais pas, je vous le répète. Je ne vous ai vu qu’au moment où vous avez accompli votre infâme dessein.
Et la pauvre enfant, en parlant ainsi, s’efforçait d’arrêter les sanglots qui lui montaient à la gorge. Elle tordait ses mains dans des crispations nerveuses. Semblable à la tourterelle se débattant sous les serres du gerfaut, elle s’efforçait de lutter contre cet homme, dont l’œil fixé sur elle dégageait une sorte de fluide magnétique.
– Permettez-moi de réveiller vos souvenirs, reprit le chevalier, et de vous rappeler ce certain jour où vous reveniez de Penmarckh avec votre père et un gros rustre que l’on m’a dit depuis être votre fiancé ? Vous avez rencontré sur la route des falaises deux cavaliers qui vous ont arrêtés tous trois pour se renseigner sur leur chemin.
– En effet, je me le rappelle.
– L’un d’eux vous promit même d’assister à votre prochain mariage et de vous porter un cadeau de noce.
– Oui.
– Eh bien ! vous ne me reconnaissez pas ?
– Ainsi, ce cavalier ?
– C’était moi, chère Yvonne.
– Oui, je vous reconnais maintenant, répondit la jeune fille dont la tête commençait de nouveau à s’embarrasser.
– Pendant cette courte conférence, continua le chevalier, vous avez peut-être remarqué que je n’eus de regards que pour vous, que pour contempler et admirer cette beauté radieuse qui m’enivrait.
– Monsieur ! fit Yvonne en rougissant instinctivement, bien qu’elle ne devinât pas encore dans son innocence virginale où en voulait venir son interlocuteur.
– Ne vous effarouchez pas pour un compliment que bien d’autres avant moi vous ont adressé sans doute. Écoutez-moi encore, et sachez que cette beauté dont je vous parle a allumé dans mon cœur une passion subite. Oui, à partir du moment où je vous ai rencontrée, un amour violent s’est emparé de moi. Si les sentiments que je viens de vous peindre vous déplaisent, ne vous en prenez qu’au charme tout-puissant qui s’exhale de votre personne ! Ne vous en prenez qu’à ces yeux si beaux, qu’à ce front si pur, qu’à cette perfection de l’ensemble capable de rendre jalouses toutes les vierges de Raphaël et toutes les courtisanes du Titien. Et
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