Marcof-le-malouin
se trouvait.
Elle avait bien deviné qu’elle était dans les souterrains de l’abbaye ; mais où ces souterrains aboutissaient-ils ? Elle ne le savait pas.
Les issues mêmes n’avaient-elles pas pu être comblées lorsqu’on avait expulsé les nonnes ? Si cela était, ou même si la fièvre et la maladie empêchaient Yvonne de continuer à se traîner vers une ouverture praticable, une mort atroce l’attendait dans ce tombeau. Elle aurait à subir, sans espoir de salut, les tortures de la faim et de la soif. Un moment elle eut regret de sa fuite.
Puis l’image du chevalier s’offrit à elle, et elle se dit que mieux valait la mort, quelque lente et cruelle qu’elle fût, que d’être restée entre les mains de pareils misérables. Soutenue par cette pensée, elle s’engagea dans le dédale des souterrains.
Ce qu’elle redoutait encore, c’était que le secret qu’elle avait découvert fût à la connaissance des hommes qui l’avaient enlevée ; car, si cela était, on se mettrait à sa poursuite dès qu’en pénétrant dans la cellule on s’apercevrait de son évasion. Cette autre pensée, plus effrayante que la perspective de la mort, lui rendit complètement le courage prêt à l’abandonner. Elle réunit le peu de forces qui lui restaient par une suprême énergie, et s’avança courageusement.
Elle erra ainsi pendant plusieurs heures, sans pouvoir se rendre compte du temps écoulé. Aucun point lumineux indiquant une ouverture ne brillait à l’extrémité des galeries qu’elle parcourait. Une sueur froide inondait son visage. À chaque pas elle trébuchait, et se soutenait à peine le long de la muraille humide. De distance en distance, ses pieds rencontraient des flaques d’eau bourbeuse creusées par les pluies qui, filtrant à travers le sol supérieur, rongeaient la pierre et pénétraient dans les galeries.
Elle enfonçait alors dans la vase en étouffant un cri de frayeur. Des hallucinations étranges s’emparaient de son cerveau. Peu à peu la fièvre redoublant d’intensité ramena avec elle le délire.
Une force factice la faisait encore avancer cependant, mais il était évident que cette force se briserait à la première secousse. Il lui semblait entendre tourbillonner et voir voltiger autour d’elle des monstres aux proportions gigantesques, des insectes hideux, des êtres aux formes indescriptibles qui l’étreignaient dans une ronde infernale. Des paroles confuses étaient murmurées à son oreille. Le souterrain tremblait sous ses pieds vacillants. Se sentant tomber, elle s’appuya contre le mur, et demeura immobile, la tête penchée sur son sein agité par la terreur et par la fièvre. Ses paupières alourdies s’abaissèrent, et un frissonnement agita tout son être.
– Mon Dieu ! mon Dieu ! j’ai peur, murmurait-elle d’une voix brisée et saccadée, et en se rendant si peu compte du sentiment qui faisait mouvoir ses lèvres, que le bruit des paroles qu’elle prononçait augmentait encore son trouble et son effroi en venant frapper son oreille.
Yvonne fermait les yeux, croyant échapper ainsi aux visions fantastiques que causait son imagination affolée ; mais, loin de s’évanouir, ces visions devenaient alors plus effrayantes, et se transformaient pour ainsi dire en réalité ; car, aux êtres fabuleux qu’il lui semblait entendre voltiger autour d’elle, se joignait le bruit véritable causé par ces myriades d’animaux, habitants ordinaires des endroits humides et délaissés.
Un moment la pauvre petite parut reprendre un peu de sentiment et de calme. Se soutenant toujours à la muraille, elle continua sa marche sans paraître se soucier des êtres immondes que le bruit de ses pas faisait fuir de tous côtés.
Deux fois elle poussa un cri de joie et se crut sauvée, car deux fois elle aperçut une lueur lointaine qui lui sembla être celle causée par la lumière du ciel pénétrant par une étroite ouverture. Ces lueurs successives émanaient de vers luisants rampant sur la voûte des galeries souterraines. Bientôt sa volonté et son énergie furent complètement épuisées, ses genoux tremblaient et vacillaient, les artères de ses tempes battaient avec violence et lui martelaient le cerveau. Tout à coup le point d’appui que lui offrait le mur lui manqua. Sa main ne rencontra que le vide. Incapable de se soutenir elle trébucha, chancela, perdit l’équilibre, et roula sur le sol en poussant un soupir. Elle avait perdu
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