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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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connaître de quelle espèce étaient les gens qui habitaient si près de son maître, et pouvaient d’un moment à l’autre devenir possesseurs de son secret, Jocelyn rentra dans la cour, prit une échelle appuyée dans un des angles, la plaça devant l’une des fenêtres éclairées, et monta rapidement.
    En voyant le domestique du comte sortir du corps de bâtiment, en entendant les chevaux hennir à l’approche de leur avoine, Jocelyn avait supposé la vérité, et il avait mentalement calculé qu’il avait le temps d’accomplir son projet avant que le domestique eût terminé ses fonctions de palefrenier.
    Mais à peine eut-il atteint l’échelon de l’échelle qui lui permettait de plonger ses regards dans l’intérieur, qu’il fut saisi d’un tremblement nerveux, et qu’il sauta à terre plutôt qu’il ne descendit. Jocelyn venait de reconnaître le comte de Fougueray, le chevalier de Tessy, et la première marquise de Loc-Ronan.
    Ignorant des circonstances qui avaient conduit ces deux hommes dans l’abbaye, Jocelyn pensa naturellement qu’ils avaient deviné et la supercherie de son maître, et le lieu de sa retraite. Aussi, oubliant le bruit qu’il avait entendu dans les souterrains, et qui avait été la cause de sa sortie, il ne prit que le temps de remettre l’échelle à sa place, et, avec l’agilité d’un jeune homme, il franchit la distance qui le séparait de l’entrée du cloître mystérieux où l’attendaient Julie et Philippe.
    En le voyant entrer pâle, les cheveux en désordre, l’œil égaré, le marquis et la religieuse poussèrent une exclamation d’effroi.
    – Qu’as-tu ? s’écria vivement Philippe.
    – Que se passe-t-il ? demanda la religieuse.
    Jocelyn fit signe qu’il ne pouvait répondre. L’émotion l’étouffait.
    – Monseigneur ! dit-il enfin d’une voix entrecoupée, monseigneur, fuyez ! fuyez sans retard !
    – Fuir ! répondit le marquis étonné. Pourquoi ? À quel propos ?
    – Mon bon maître, ils savent tout ! vous êtes perdu !…
    – De qui parles-tu ?
    – D’eux !… de ces misérables !
    – Du comte et du chevalier ?
    – Oui !
    – Impossible !
    – Si, vous dis-je !
    La pauvre religieuse écoutait sans avoir la force d’interroger ni de se mêler à la conversation rapide qui avait lieu entre son mari et le vieux serviteur.
    – Jocelyn, reprit le marquis qui ne pouvait encore comprendre le danger dont il était menacé, Jocelyn, ton dévouement t’abuse ; tu te crées des fantômes.
    – Plût au ciel, monseigneur !
    – Mais alors, qui te fait supposer ?…
    – Ils sont ici !
    – Ces hommes dont tu parles ?
    – Oui !
    – Ils sont à Plogastel ?
    – Dans l’abbaye même.
    – Dans l’abbaye ! s’écria cette fois la religieuse en frissonnant.
    – Hélas ! oui, madame !
    – Impossible ! Impossible !… dit encore le marquis.
    – Je les ai vus ! répondit Jocelyn.
    – Quand cela ?
    – À l’instant même !
    – Dans les souterrains ?
    – Non, monseigneur, dans l’aile gauche du couvent !
    Et Jocelyn raconta rapidement ce qu’il venait de faire et de voir. Il dit que lorsque ses regards plongèrent dans la chambre éclairée, il avait aperçu le comte et le chevalier à table, et auprès d’eux une autre personne encore.
    – Une femme ? demanda le marquis.
    Jocelyn fit un signe affirmatif, puis il regarda la religieuse et se tut.
    – Elle ?… s’écria Philippe illuminé par une pensée subite.
    – Oui, monseigneur, répondit Jocelyn à voix basse.
    Un silence de stupeur suivit cette brève réponse. La religieuse, agenouillée, priait avec ferveur. De sombres résolutions se lisaient sur le front du marquis. Pour lui, comme pour Jocelyn, il était manifeste que le comte et le chevalier connaissaient la vérité et s’étaient mis à sa poursuite. Sans cela, comment expliquer leur arrivée dans l’abbaye déserte ?
    Ainsi ce que Philippe avait fait devenait nul. Il allait encore se retrouver à la merci de ses bourreaux, et, qui plus était, s’y retrouver en entraînant Julie avec lui. Pour sortir libre de l’abbaye, il lui faudrait sans aucun doute accéder aux propositions qui lui avaient été faites. Non-seulement abandonner sa fortune, ce qui n’était rien, mais reconnaître pour son fils un étranger, fruit de quelque crime qui déshonorerait le nom si respecté de ses aïeux.
    Philippe avait la main posée sur un pistolet. Il eut la

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