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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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causerie presque convenable, s’élança rapidement dans les hautes régions du dévergondage le plus éhonté.
    Hermosa donnait le diapason. Se débarrassant d’une partie de ses vêtements que la chaleur rendait gênants, à demi couchée sur les genoux de Diégo, les épaules nues, les lèvres rouges et humides, les regards étincelants de cynisme et de débauche, la magnifique créature avait recouvré tout l’éclat de cette beauté de bacchante qui faisait d’elle une véritable sirène aux charmes invincibles. Se prêtant aux caresses du comte, sans fuir celles du chevalier, elle buvait dans tous les verres, lançait des quolibets capables d’amener le rouge sur le visage d’un garde-française.
    Aucune contrainte ne régnait plus dans les paroles des trois convives ; aucune gêne n’entravait leurs actions.
    – Je vais chercher la petite, dit le chevalier en se levant tout à coup.
    – Au diable ! s’écria Diégo ; laisse-nous faire en paix notre digestion. Ta Bretonne va crier comme une fauvette à laquelle on arrache les plumes, et les pleurs des femmes ont le don de m’agacer les nerfs après souper.
    – Tout à l’heure tu iras la trouver, cette belle inhumaine, ajouta Hermosa en souriant ; mais Diégo a raison : finissons d’abord de souper et de boire. Allons, mio caro, verse-moi de ce xérès aux reflets dorés, et oublie un peu tes amours champêtres pour songer à l’avenir. Je suis veuve, Raphaël, tu le sais bien, et j’ai besoin d’être entourée de mes amis, pour m’aider à supporter mes douleurs et me décider sur le parti que je dois prendre. Voyons, mes aimables frères, parlez : me faut-il revêtir les noirs vêtements de circonstance, et larmoyer en public sur ma triste situation ?
    – À quoi diable cela t’avancerait-il ? dit brusquement Diégo.
    – Mais, on ne sait pas ! Si je faisais constater mes droits, peut-être aurais-je une part dans l’héritage ?
    – Laisse donc ! Tu n’aurais rien, et le noir ne te va pas. Au diable les vêtements de deuil et la comédie de veuvage ! Elle ne nous rapporterait pas une obole. Non ! non ! j’ai une autre idée.
    – Quelle idée ?
    – Tu l’apprendras plus tard ; mais, pour le présent, soupons gaîment ! Allons, Hermosa, ma diva, ma reine, ma belle maîtresse, à toi à nous verser le syracuse, ce vieux vin de la Sicile, cet aimable compatriote qui noie la raison, raffermit le cœur, réjouit l’âme, et nous rappelle nos Calabres bien-aimées ! Donne-nous à chacun un flacon entier, comme jadis après une expédition. Part égale !
    – Part égale ! répéta Raphaël. Verse, Hermosa, verse à ton tour !
    Hermosa se leva et fit un pas pour se diriger vers le buffet en chêne sculpté sur lequel elle avait déposé les flacons du vin sicilien. Mais Diégo, la saisissant par la taille, l’attira à lui et la renversa sur ses genoux.
    – Un baiser, dit-il ; il me semble que je n’ai que trente ans !
    Et se penchant vers sa compagne :
    – Ne va pas te tromper ! murmura-t-il à son oreille.
    Hermosa se redressa en échangeant avec lui un rapide regard, puis elle alla prendre les flacons et les plaça sur la table. Chacun prit celui qui lui était offert. À les voir ainsi tous trois, chancelant à demi sous l’effet de l’ivresse naissante, on devinait facilement que ce n’étaient pas là deux gentilshommes et une noble dame soupant ensemble : c’étaient deux bandits comme en avait rencontré autrefois Marcof, et une courtisane éhontée comme on en a rencontré et comme on en rencontrera toujours, tant que la débauche existera sur un coin de la terre. Le souper avait dégénéré en orgie.
    – Raphaël ! s’écria Diégo en remplissant son verre, buvons et portons une santé à nos amis d’autrefois, à ces pauvres diables qui se déchirent encore les pieds sur les roches des Abruzzes, à nos compagnons de misère, de gaieté et de plaisirs, à Cavaccioli et à ses hommes !
    – À Cavaccioli ! dit Hermosa ; et puisse-t-il danser le plus tard possible au bout d’une corde !
    – À Cavaccioli ! répéta Raphaël en choquant son verre contre celui que lui présentait Diego.
    Et il but à longs traits.
    – Allons, Hermosa ! reprit Raphaël en posant son verre vide sur la table et en saisissant le flacon d’une autre main pour le remplir de nouveau. Allons, Hermosa ! chante-nous quelque-uns de tes joyeux refrains, cela égayera un peu ces murailles, qui

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