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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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disons-nous, le comte de Fougueray était assis entre celle qu’il nommait sa sœur et sa compagne, la belle Hermosa, ou la noble Marie Augustine, et celui que suivant les circonstances, il appelait tantôt son ami Raphaël, tantôt son très-cher frère, le chevalier de Tessy. Jasmin avait fidèlement exécuté les ordres reçus. Combinant avec un soin digne d’éloges ses talents dans l’art culinaire et ses habitudes de service élégant, le respectable valet cumulait, à la grande satisfaction de ses maîtres, l’office du cuisinier et celui du maître d’hôtel.
    Depuis son entrée dans l’abbaye, Jasmin avait fouillé l’aile choisie par le comte, du rez-de-chaussée aux combles. Il avait déployé un tel luxe d’activité dans ses recherches que vaisselle, argenterie, vins, liqueurs, conserves, cristaux, rien n’avait échappé à son œil scrutateur.
    Peut-être bien qu’en suivant les explorations du valet, on eût pu s’étonner et de son activité et de son adresse à trouver les cachettes, à fouiller les bons coins et à forcer les serrures ; peut-être qu’en examinant attentivement le riche service de table de l’abbesse, on se fût aperçu de la disparition de plusieurs vases de vermeil et de nombreuses timbales d’argent massif ; peut-être qu’en constatant l’énormité d’un feu de bois allumé dans une salle basse, on eût pu établir un rapprochement probable entre ce foyer incandescent et ces objets détournés, en but d’un lingot facile à emporter ; mais les résultats des investigations de Jasmin avaient été trouvés, à bon droit, si heureux, si splendides que ni le comte, ni le chevalier, ni Hermosa n’avaient songé à s’inquiéter du reste.
    À l’annonce de Jasmin que le souper était servi, tous trois s’étaient mis à table, et le jeune Henrique n’avait pas tardé à les rejoindre. Le menu était simple, mais parfaitement entendu. Les pauvres sœurs, nous le savons, avaient été contraintes à abandonner brusquement l’abbaye sans qu’il leur fût permis de sauver leurs richesses.
    Aussi rien ne manquait-il à l’élégance de la table. Le linge, d’une finesse extrême, avait évidemment été tissé dans les meilleures fabriques de la Hollande. Les verres et les carafes étaient taillés dans le plus pur cristal de la Bohême. La vaisselle d’argent s’étalait somptueusement, entourée d’admirables porcelaines de Sèvres ; des candélabres en même métal que la vaisselle, et surchargés de bougies, inondaient la table d’un torrent de rayons lumineux qui se brisaient en se reflétant aux arêtes tranchantes et aiguës des verreries, ou qui caressaient, en en doublant l’éclat, les contours arrondis des pièces d’argenterie et des porcelaines transparentes.
    Les meilleurs vins, que l’abbesse dépossédée réservait soigneusement pour les visites de l’évêque diocésain, étincelaient dans les coupes de cristal, auxquelles ils donnaient les tons chauds de la topaze brûlée ou ceux du rubis oriental, suivant que les convives s’adressaient aux crûs bourguignons ou aux produits généreux des coteaux espagnols.
    Les conserves, les pâtes confites, les fruits sucrés, entremets et desserts, que les bonnes sœurs se plaisaient à confectionner dans le silence du cloître pour envoyer en présent à leurs amis de Quimper et de Vannes, gisaient éventrés, renversés par les mains profanes des deux hommes et de leur compagne.
    Vers la fin du repas, Jasmin fit une dernière entrée dans la pièce, ployant sous le poids d’un plateau d’argent richement ciselé, et encombré de la plus merveilleuse collection de liqueurs qu’eut pu désirer un disciple de Grimod de la Reynière. Flacons de toutes formes et de toutes couleurs s’entre-choquaient par le mouvement de la marche du valet. Il déposa le tout sur la table, et sur un signe d’Hermosa, il sortit en emmenant Henrique.
    Les convives, dont les têtes, singulièrement échauffées par les libations copieuses faites aux dépens des habiles trouvailles du cuisinier, commençaient à fermenter outre mesure, les convives voulaient se débarrasser de la présence de témoins gênants.
    Aucun d’eux n’avait pu soupçonner la disparition d’Yvonne, que le chevalier voulait laisser reposer avant d’entamer un second tête-à-tête, qu’il espérait bien rendre définitif. La conversation, que la présence du jeune Henrique avait jusqu’alors renfermée dans les bornes d’une

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