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Marcof-le-malouin

Marcof-le-malouin

Titel: Marcof-le-malouin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ernest Capendu
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n’ont guère entendu que des psaumes et des litanies !
    – Et que veux-tu que je chante, Raphaël ?
    – Ce que tu voudras, pardieu !
    – Une chanson française ?
    – Sang du Christ ! interrompit Diego en italien, fi des chansons françaises ! Une chanson du pays, cara mia ! une chanson en patois napolitain.
    Hermosa se recueillit quelques instants, puis elle se leva et commença d’une voix fraîche encore et vibrante ces couplets si répétés à Naples, et que depuis plus d’un siècle les lazzaroni ont chantés sur tous les airs connus :
    Pecque qu’a ne me vide
    T’en griffe com agato ?
    Nene que t’aggio fato
    Quà non me pui vide.
    O jestemma voria
    Le giorno que t’amaï
    Io te voglio ben assaï
    E tu non me pui vide !
    – Bravo ! s’écria Raphaël.
    – Bravo ! répéta Diego. Il me semble être encore dans les Abruzzes ! Ah ! l’on a bien raison de dire que les années de la jeunesse ne se remplacent pas ! Depuis que nous avons quitté les Calabres, depuis le jour où ce damné Marcof, que Dieu confonde ! a détruit à lui seul une partie de ma bande, nous n’avons jamais cessé d’avoir de l’or et d’en dépenser à pleines mains. Eh bien ! je regrette néanmoins cette vie d’autrefois, si misérable peut-être, mais si belle et si libre.
    – Pour moi, je ne suis pas de ton avis, répondit Hermosa, et je suis certaine que Raphaël ne pense pas autrement que je le fais.
    – Tu as raison, Hermosa, fit Raphaël. Eh bien ! continua-t-il en tressaillant, que diable ai-je donc ? Un étourdissement !
    – Tu as besoin d’air peut-être ? fit observer Diégo.
    – C’est possible.
    – Ouvre la fenêtre, Hermosa.
    Hermosa obéit en lançant un nouveau coup d’œil à Diégo, qui laissa errer un sourire sur ses lèvres.
    – Je me sens mieux ! fit Raphaël en s’approchant de la fenêtre.
    Diégo se leva, et passant son bras autour de la taille d’Hermosa, il se pencha vers elle comme pour lui baiser le cou, mais il lui dit à voix basse :
    – Tu as vidé tout le flacon ?
    – Oui, répondit la femme.
    – Per Bacco !
    – C’est trop ?
    – C’est énorme !
    – Alors ?
    – Alors ce sera plus tôt fini, voilà tout.
    Et cette fois, il embrassa Hermosa au moment où Raphaël se retournait.
    – Corps du Christ ! s’écria celui-ci en les voyant dans les bras l’un de l’autre, quelle tendresse ! quel amour ! quelle passion ! cela fait plaisir à voir !
    – Eh ! caro mio ! répondit Diégo, n’as-tu pas aussi une belle compagne qui t’attend ?
    – Si fait ! pardieu ! ma jolie Yvonne ! Je n’y songeais plus.
    – Peste ! quelle indifférence pour un amoureux !
    – Eh ! c’est la faute de ce vin de Syracuse ! Il me produit ce soir un effet étrange ; à tous moments j’ai des éblouissements. Il me semble que le plancher vacille sous mes pieds.
    – Tu as la tête faible !
    – Tu sais bien le contraire.
    – Alors c’est une mauvaise disposition passagère !
    – C’est possible. En attendant, j’ai laissé, je crois, à la belle enfant, tout le temps nécessaire pour mûrir mes paroles. Corpo di Bacco ! j’ai dans l’idée que je vais la trouver docile comme une fiancée, et amoureuse comme une courtisane romaine !
    – Tu vas à la cellule ?
    – De ce pas, mio caro.
    Et Raphaël se dirigea vers la porte ; mais à moitié chemin, il chancela, fit un effort pour se soutenir et tomba sur une chaise. Diégo suivait tous ses mouvements de l’œil du tigre qui veille sur sa proie.
    Hermosa, indifférente à ce qui se passait autour d’elle, trempait le petit doigt de sa main mignonne dans son verre à demi rempli et s’amusait à laisser tomber sur la nappe, déjà maculée, les gouttelettes brillantes du vin liquoreux que les rayons des bougies transformaient en perles orangées. Tandis que sa main droite se livrait à cet innocent exercice, la gauche s’approchait, en se jouant, du flacon qu’avait aux trois quarts vidé Raphaël. Agitant doucement la tête, elle lança un regard autour d’elle. Diégo lui tournait le dos, Raphaël avait la main sur ses yeux. Alors la belle figure de l’Italienne prit une expression sauvage et épouvantable : ses doigts fiévreux saisirent le flacon et l’attirèrent à la place de celui appartenant au comte de Fougueray. Puis une idée nouvelle lui traversa sans doute l’esprit, car ses traits se détendirent, et elle remit la bouteille devant le

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