Marcof-le-malouin
tête.
– Montons, répondit Marcof.
– Je garde la porte ajouta Jahoua ; vous m’appellerez si besoin est.
Marcof et Keinec gravirent les marches de pierre de l’escalier. Arrivés sur le palier du premier étage, ils s’arrêtèrent indécis et hésitants. Un long corridor se présentait à eux.
À droite une porte ouverte donnait accès dans une pièce éclairée. C’était la chambre d’Hermosa, que, dans leur précipitation, les deux misérables n’avaient pas pris soin de refermer. Marcof s’avança vivement.
– Personne ! dit-il.
– Personne ! répéta Keinec étonné.
Ils ressortirent. À quelques pas plus loin, dans le corridor, se présenta une seconde porte, fermée cette fois, mais sous laquelle passait une traînée de lumière. Marcof et Keinec écoutèrent, lis entendirent un soupir, une sorte de plainte douloureuse ressemblant au râle d’un agonisant.
– Cette chambre est habitée, murmura le jeune homme.
– Entrons ! répondit Marcof sans hésitation.
La porte résista.
– Elle est fermée en dedans ! reprit Keinec.
– Mais, on dirait entendre les plaintes d’un mourant. Écoute !…
– C’est vrai !
– Eh bien ! enfonçons la porte.
– Frappe !
Keinec, d’un violent coup de hache, fit sauter la serrure. La porte s’ouvrit, mais ils demeurèrent tous deux immobiles sur le seuil. Ils venaient d’apercevoir un horrible spectacle.
Cette cellule était celle dans laquelle expirait le chevalier de Tessy. Diégo, on s’en souvient peut-être, avait renversé les candélabres. Raphaël, seul et se sentant mourir, s’était traîné sur les dalles et était parvenu à allumer une bougie. Mais sa main vacillante n’avait pu achever son œuvre. La bougie enflammée s’était renversée sur la table et avait communiqué le feu à la nappe. La flamme, brûlant lentement, avait gagné les draperies des fenêtres. Raphaël, en proie aux douleurs que lui causait le poison, se sentait étouffer par les tourbillons de fumée qui emplissaient la chambre. Dans les convulsions de son agonie, il avait renversé la table et le feu avait atteint ses vêtements. Incapable de tenter un effort pour se relever, il subissait une torture épouvantable. Ses jambes étaient couvertes d’horribles brûlures, et au moment où Marcof et Keinec pénétrèrent dans la pièce sur le plancher de laquelle il gisait, le feu gagnait son habit.
Marcof s’élança, brisa la fenêtre, arracha les rideaux à demi consumés et les jeta au dehors. Keinec, pendant ce temps, avait saisi un seau d’argent dans lequel Jasmin avait fait frapper du champagne, et en versait le contenu sur Raphaël. Puis, aidé par le marin, il transporta le mourant dans la chambre d’Hermosa.
– Cet homme se meurt et est incapable de nous donner aucun renseignement, dit Marcof après avoir déposé Raphaël sur un divan. Il y a eu un crime commis ici ; tout nous porte à le croire. Fouillons l’abbaye, Keinec, et peut-être découvrirons-nous ce que nous cherchons.
Keinec pour toute réponse saisit un candélabre chargé de bougies et s’élança au dehors. Marcof redescendit près de Jahoua.
Tous deux fermèrent soigneusement la porte d’entrée, en retirèrent la clé, et, remontant au premier étage, ils se séparèrent pour parcourir, chacun d’un côté différent, le dédale des corridors et des cellules. Mais ce fut en vain qu’ils fouillèrent le couvent depuis le premier étage jusqu’aux combles, ils ne découvrirent rien.
Jahoua, qui était redescendu et pénétrait successivement dans les cellules, poussa tout à coup un cri terrible. Keinec et Marcof accoururent. Ils trouvèrent le fermier à genoux dans la chambre de l’abbesse et tenant entre ses mains une petite croix d’or.
– Qu’y a-t-il ? s’écria Marcof.
– Cette croix ! répondit Jahoua.
– Eh bien !
– C’est celle d’Yvonne.
– En es-tu certain fit Keinec en bondissant.
– Oui ! c’est sur cette croix qu’Yvonne priait à bord du lougre pendant la tempête. Elle la portait toujours à son cou.
– Alors ! on l’avait conduite ici ? dit Marcof.
– Qu’est-elle devenue ?
– L’abbaye est déserte !
– On l’aura enlevée de nouveau.
– Mon Dieu ! où l’aura-t-on conduite ?
– L’homme que nous avons trouvé nous le dira ! s’écria Keinec.
Et tous trois se précipitèrent vers la chambre d’Hermosa. Raphaël n’avait pas fait un seul mouvement ;
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