Marguerite
Ferrière lui avait désigné. Il remarqua, parmi les sauveteurs, Antoine, chevalier de Niverville. Le fils de l’ancien seigneur de Chambly n’allait pas laisser flamber l’église paroissiale sans rien faire. Rouville avisa les soldats qui retenaient la foule et leur intima de remplacer les hommes épuisés, puis, empoignant un seau, il joignit ses efforts aux autres.
*****
Boileau soutenait les deux femmes sans dire un mot, sans même se rendre compte qu’il serrait Marguerite si fort qu’elle en avait l’épaule meurtrie.
— Merci, monsieur le notaire, lui dit Charlotte, reconnaissante et ravie d’être ainsi enlacée par le gentil notaire Boileau. La chaleur ici sera bientôt insupportable.
— Oui, répondit le notaire d’une voix étrange, ça devient intenable.
Marguerite avançait sans rien dire, tête baissée. Elle avait hâte de retrouver le petit Melchior et de le serrer dans ses bras pour s’assurer que tout allait bien. Et en même temps, elle était profondément troublée. C’était la première fois qu’ils étaient ainsi, René et elle, l’un contre l’autre, et elle tremblait tellement, lui sembla-t-il, que c’était pour cela qu’il la serrait si fort.
« Surtout, ne pas le regarder, se disait-elle. Surtout, ne pas voir ses yeux ! » La violence de ses propres sentiments la surprenait. C’était comme si un intrus s’emparait de son cœur sans permission, comme si l’amour reprenait ses droits.
Ces quelques secondes lui semblèrent une éternité.
Le notaire abandonna Marguerite et Charlotte auprès de sa mère. Et ce fut plus fort que lui, il la regarda furtivement dans les yeux. Elle soutint ce regard, avec une force qui l’étonnait elle-même et réussit à articuler «Merci, monsieur».
— Madame Talham, dit-il rudement en guise de salut avant de repartir en courant.
— Mère ! fit alors une petite voix.
Son petit Melchior accourait pour se réfugier dans son giron et elle l’embrassa de joie. « Le feu brûle l’église ! Où est père ? » pleurnicha-t-il.
Malgré les recommandantions de leur père, Emmélie et Sophie étaient revenues de chez les Rouville, en compagnie de Julie et de Melchior. Marguerite avisa Emmélie.
— Il faut aller chez Bresse. Le docteur a donné un puissant médicament à madame Bresse qui dormirait sans pouvoir se réveiller.
— Voil{ pourquoi elle n’est pas encore ici, fit Sophie, railleuse.
— Ce n’est pas le moment de se moquer, la rabroua Emmélie. Charlotte, occupez-vous des enfants. Marguerite et Sophie, venez avec moi. Nous allons secourir madame Bresse.
Marguerite abandonna Melchior à Charlotte et elle emboîta le pas à ses cousines.
En entrant chez les Bresse, les jeunes filles entendirent des sanglots provenant de la cuisine. C’était Perrine, la servante, qui se tenait debout devant Pâtre en pleurant.
Emmélie se précipita vers elle.
— Venez Perrine, il faut sortir de la maison !
—Je ne peux pas abandonner ma maîtresse, répondit la servante en hoquetant. Elle ne veut pas se réveiller. Le docteur l’a peut-être tuée, ajouta-t-elle en pleurnichant.
Oh ! madame Talham, vous êtes là. Je ne voulais pas dire ça, se confondit-elle en s’excusant.
— Mais non, fit Emmélie que la réflexion de la servante amusait malgré la gravité du moment, mais le remède qu’il lui a donné est très fort. Je monte pour tenter de la réveiller.
Vous, Perrine, vous allez rejoindre ma mère, madame Boileau. Et soyez sans inquiétude, madame Talham n’est pas du tout fâchée, n’est-ce pas Marguerite ?
Celle-ci acquiesça en souriant. Sans même prendre le temps d’ôter son tablier, Perrine sortit.
Les jeunes filles gravirent rapidement l’escalier qui menait { l’étage. Françoise Bresse, mollement enfoncée au milieu des oreillers et des draps de son lit à colonnes, dormait profondément, comme l’indiquaient ses ronfle-ments sonores. Emmélie n’hésita pas et la secoua vivement.
Mais Françoise ne bougea pas.
— Qu’allons-nous faire ? soupira Emmélie. Impossible de la réveiller.
— Il ne semble pas y avoir de fumée dans la maison, constata Sophie.
— Pas encore, dit Marguerite, mais ça ne saurait tarder.
La maison est trop près de l’église et si le vent s’en mêle, elle sera rapidement enfumée.
Emmélie chercha une solution, mais c’est Marguerite qui eut l’idée.
— A nous trois, nous sommes assez fortes pour la descendre. Si elle ne se réveille pas,
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