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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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ordres identiques pour qu’on rem-plisse une charrette avec des victuailles du manoir à transporter au bassin, près du quartier général improvisé.
    Tous étaient touchés par le drame encore inexpliqué retrouvant cette vieille solidarité qui les liait depuis toujours, s’entraidant et se réconfortant.
    C’est ainsi qu’au bout d’heures interminables, l’ardeur des hommes et les prières des femmes de Chambly vinrent finalement { bout du brasier. Lorsque la noirceur s’installa, vers les huit heures du soir, l’incendie semblait maîtrisé. De la belle église Saint-Joseph qui surplombait le bassin et faisait la fierté des gens de Chambly, il ne restait plus que des ruines fumantes. Tous les efforts déployés n’avaient pu sauver la sacristie qui avait fini par brûler, elle aussi, mais ses murs de pierres restaient bien droits, miraculeusement intacts, tel un phare rappelant qu’il fallait avoir le courage de continuer.
    Ce soir-là, même les pires mécréants de Chambly étaient retournés chez eux le cœur rempli de tristesse en songeant
    { leur paroisse dépourvue d’église. Le cœur du village était orphelin, et tandis que les braises s’éteignaient lentement, l’âme de Chambly s’envolait vers le ciel en fines volutes.

    *****
    Chez Boileau se tenait un conseil de guerre. Le feu semblait éteint, on ne comptait aucune victime et, finalement, tous les blessés étaient rentrés chez eux. Ferrière et Rouville avaient réuni quelques volontaires et le commandant du fort avait prêté quelques hommes pour former une garde, craignant les voleurs ou les vandales, et par-dessus tout, la terrible possibilité que le feu renaisse de braises mal éteintes.
    Madame Boileau avait fait servir une copieuse collation et de quoi boire à tous ces hommes harassés de fatigue.
    Outre Monsieur Boileau et son fils, le notaire, il y avait là le capitaine de milice Ferrière, monsieur de Rouville, Antoine, chevalier de Niverville, fils de l’ancien seigneur et frère des demoiselles, et Toussaint Barsalou, le marguillier en charge. Le curé, terriblement défait, était effondré sur le sofa. Madame Boileau avait insisté et offert l’hospitalité { messire Bédard et { sa sœur. Le presbytère avait été épargné par l’incendie, mais il était passablement enfumé et inhabitable pour ce soir. Trop bouleversé pour protester, messire Bédard ne s’était d’ailleurs pas fait prier.
    Le capitaine de milice rejoindrait la garde plus tard, après la petite réunion.
    — J’irai avec vous, proclama Rouville que cette aventure ragaillardissait.
    — C’est pas de refus, mon colonel, nous ne serons pas trop de deux, et votre grande expérience est la bienvenue.
    — Quel désastre ! l’interrompit le curé d’une voix éteinte.
    — Oui, renchérit Monsieur Boileau. C’est une épouvantable calamité !
    — Allons, mes amis, fit monsieur de Rouville, essayons d’envisager les choses autrement.
    — Avec tout le respect que je vous dois, colonel de Rouville, je ne vois rien de bon dans cette catastrophe, rétorqua messire Bédard.
    — Malgré notre infortune, nous avons tout de même réussi à préserver une partie de la sacristie, le presbytère est sauvé et le cimetière n’a pas trop souffert, expliqua le capitaine Ferrière.
    Il exposait ce bilan tout en essuyant avec son mouchoir la suie qui lui noircissait le visage.
    — Et comme nous sommes au début de l’été, ajouta le notaire, nous avons plusieurs mois devant nous pour reconstruire avant l’hiver.
    — Mais oui, renchérit de Niverville. C’est bien ce que je disais, nous avons suffisamment de temps pour reconstruire.
    Antoine, chevalier de Niverville, réfléchissait difficilement par lui-même. Il était réputé pour son art de s’approprier les bonnes idées des autres. Si le propos de l’un échappait { l’autre, Niverville, immanquablement suspendu à toutes les lèvres, allait le répéter. Mais on tolérait ce drôle de personnage. Son père, mort { l’âge vénérable de quatre-vingt-douze ans en 1800, avait été un homme respecté de tous, surtout parce qu’il avait été le dernier seigneur français de Chambly.
    — Nous verrons cela demain, dit alors Monsieur Boileau, la nuit porte conseil et je suis certain que notre bon docteur nous recommande vivement d’aller tous nous coucher.
    — C’est exactement ce que j’allais suggérer, répondit Talham, qui n’arrivait plus { réprimer ses

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