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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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se désolait doublement de la perte de l’église, comme s’il portait sa part de responsabilité dans cette tragédie.
    Evidemment, il n’en était rien, comme se tuait { le lui répéter Victoire. Le feu avait pris dans le clocher, pas dans la sacristie !
    Talham confirma qu’on ne pourrait reconstruire de sitôt.
    — Je ne pourrais même pas vous dire pourquoi, mais j’ai un mauvais pressentiment, soupira-t-il. C’est incompréhensible.
    — Lorsque quelque chose commence de travers, commenta Victoire, on dirait que tout ce qui suit prend le même chemin.
    — Comme vous avez raison, madame Lareau, approuva Talham. Et pour ajouter à notre malheur, figurez-vous que la politique s’en mêle. L’atmosphère belliqueuse qui règne à Québec depuis quelque temps désespère notre pauvre curé.
    — Sainte bénite ! s’exclama Victoire. Mais pourquoi ?
    Québec est tellement loin de Chambly !
    — Le curé a appris que son frère, Pierre-Stanislas Bédard, l’avocat qui siège { la Chambre législative, vient d’imprimer un journal qu’il appelle Le Canadien.
    — Notre curé devrait être fier ! s’exclama spontanément son beau-père. C’est un bien beau nom ça, Le Canadien. Sacrédié, si je savais lire, je m’abonnerais { cette gazette-là.
    — Il faut répondre à ce vilain journal anglais, ajouta Victoire, qui se rappelait les propos insultants d’un journal de Québec concernant les Canadiens.
    — Le Quebec Mercury, se rappela François d’un ton aigre-doux, qui disait qu’il était temps que cette province devienne anglaise !
    Ce mépris l’avait profondément choqué. C’était un homme de cœur qui était loin d’être sot. Il aurait pu se vanter d’être l’un des plus riches habitants de la paroisse, si seulement cette idée lui était venue { l’esprit. Mais Lareau restait modeste, aimant simplement le travail bien fait.
    — C’est vrai que c’est un beau nom. Digne et fier, comme le peuple qui le porte, approuva le docteur.
    — J’espère que Le Canadien nous défendra, s’enflamma l’habitant.
    — C’est bien l’intention de Pierre-Stanislas Bédard, confirma Talham, et de son associé, le docteur François Blanchet. Ils sont faits pour s’entendre. Vous savez que Blanchet a étudié la médecine et la chimie au Columbia College de New York! Avec Bédard, qui a toujours préféré les sciences et les problèmes d’algèbre { sa profession d’avocat, voil{ deux savants pour plaider notre cause !
    Le docteur était admiratif.
    — Mais attendez, j’ai ici le premier numéro de ce journal.
    Je vais vous en lire un extrait. Vous verrez que c’est exactement le but de Bédard que de répondre au Mercury. Voyons.
    Ah ! Voici, dit-il en dépliant une feuille de journal pliée en deux, cé qui faisait quatre pages;
    «Il n'y a pas bien longtemps qu'on les avait flétris par de mires insinuations, dans un papier publié en anglais, sans avoir eu la liberté d'y insérer un mot de réponse. Si les Canadiens ne méritent pas ces insinuations, la liberté de presse, à laquelle ils ont droit aussi, leur offre le moyen de venger la loyauté de leur caractère, et de défier l'envie du parti qui leur est opposé, de venir au grand jour avec les preuves de ses avancées. »
    — Bien dit, s’écria Lareau qui avait écouté avec attention. Bravo à Bédard ! Le Parti anglais n’a qu’{ bien se tenir.
    Désormais, le Parti canadien lui répondra avec les mêmes armes.
    — Mais je ne comprends toujours pas pourquoi l’opinion de ces messieurs empêche la reconstruction de l’église?
    demanda Marguerite en réprimant un bâillement.
    — C’est bien simple ! s’emporta son père. Le Bédard de Québec irrite les Anglais et le gouverneur, et ça dérange l’évêque. Rien de bon pour aider messire Bédard, qui se débat comme un diable dans l’eau bénite pour que l’église soit reconstruite l{ où la majorité des paroissiens le souhaitent.
    — Et la situation actuelle risque de s’envenimer, poursuivit Talham. Depuis la querelle des prisons de l’année dernière, les tensions entre les marchands anglais et les Canadiens ne cessent de s’accroître.
    — Une querelle des prisons ? s’étonna Marguerite.
    — Sacrédié ! C’est encore la faute { ces maudits marchands anglais, s’emporta François Lareau.
    Marguerite remarqua que son père, au tempérament si doux, se fâchait souvent lorsqu’on parlait de politique. Elle ne se trompait pas. Les habitants du

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