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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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Perrine, l’en avait avertie: «C’est ainsi que naissent les monstres. »
    — Voyons donc ! Faut pas croire les fables des commères sur les femmes grosses. Juste des balivernes ! s’exclama Victoire qui se doutait des sornettes que colportaient les servantes.
    Elle se tourna vers son gendre qui terminait son déjeuner.
    — Dites-nous donc la vérité ! Sinon, on n’a pas fini d’entendre des fadaises. Madame Ferrière est proche de son terme ?
    — J’ai croisé la Stébenne, avoua Talham. Elle appré-
    hende le pire.
    — Oh ! s’exclama Charlotte en se signant vivement.
    — A son âge, murmura Victoire.
    Alertée par le ton grave que prenait tout à coup la conversation, Marguerite se planta devant son mari, l’obligeant à la regarder.
    — Alexandre, qu’arrivera-t-il à la femme du capitaine Ferrière?
    — Je ne sais trop, admit-il. Elle est très faible et doit garder le lit. Mais cela augure mal.
    — Les femmes de mon âge ne devraient plus avoir d’enfants, déclara Victoire qui avait plus de quarante ans.
    Elles sont trop vieilles.
    Entre Esther et Appoline, sa dernière-née, il y avait au moins cinq ans de différence. Et que dire de la naissance d’Appoline ? Accident ou retour d’âge ? Alexandre jeta un regard interrogateur en direction de sa belle-mère. Victoire connaissait-elle les manières de s’y prendre pour empêcher la famille, comme le lui avait affirmé un jour la Stébenne ?
    — Sois confiante, tu n’as aucune crainte à avoir, poursuivait Victoire qui voulait rassurer sa fille. Notre sang est bon.
    Aucune femme de notre famille n’est morte en couches. Ma mère devait avoir { peu près l’âge de madame Ferrière lorsqu’elle m’a mise au monde. Et comme tu le sais, elle est morte de son grand âge, tout comme sa mère avant elle.
    Marguerite sourit { l’évocation de sa chère grand-mère Sachet. Elle reprit l’ouvrage délaissé la veille, une jupe qu’elle avait retaillée dans une de ses robes usées pour sa sœur Marie, et enfila une aiguillée.
    La petite Marie, songea Marguerite, qui avait épousé Etienne Larocque l’été dernier dans l’affreux hangar qui servait d’église. Déj{ ! D’ici un an, elle aussi serait mère.
    — Pauvre madame Ferrière, soupira-t-elle. Je la plains sincèrement. Je vais prier pour elle.
    — Prie aussi ta grand-mère Sachet, lui conseilla sa mère, et notre aïeule, la sage-femme Marguerite Ménard. Elles veilleront sur toi le jour de la naissance de ton fils.
    Marguerite considéra Victoire en mettant un dernier point à la jupe.
    — Mon fils ? Mère, vous parlez comme si vous aviez le don de double vue.
    — J’en ai la certitude, c’est tout.
    Charlotte, qui vaquait autour de la table, écarquilla les yeux en se signant discrètement et se retourna pour attiser le feu dans l’âtre. Elle n’avait rien perdu de la conversation.
    Madame Lareau, avec ses divinations, lui faisait peur.
    Talham, qui finissait son déjeuner, observa sa belle-mère.

    Victoire était une véritable énigme. Parfois, cette femme sensée tenait d’étranges propos, lançant des prédictions ou invoquant ses ancêtres, comme elle venait de le faire.
    «Autrefois, on l’aurait brûlée comme sorcière», pensa-t-il.
    Il la savait plutôt tiède en matière de religion, pieuse du bout des lèvres.
    Comme les déclarations de madame Lareau le dérangeaient autant qu’elles perturbaient sa servante, il tenta d’atténuer ses propos.
    — Vous avez de ces intuitions, madame Lareau. Et parfois, elles s’avèrent.
    — Ma mère disait que c’était un don transmis par Madeleine Couc, notre ancêtre algonquine. Mais vous avez sans doute raison, se reprit-elle vivement en voyant l’air sceptique de son gendre, ce ne sont que des intuitions sans importance.
    Le docteur se leva de table. Melchior, grimpé sur une chaise, criait:
    — Père ! Il y a une vilaine femme à la porte !
    — Là, là, hurla à son tour Appoline en imitant le garçonnet.
    Elle désignait la fenêtre qui donnait sur le côté de l’écurie.
    Une femme dont le visage disparaissait dans les creux du capuchon de son manteau frappait. C’était la Stébenne.
    Charlotte ouvrit et la sage-femme entra, restant sur le pas de la porte avec ses chaussures boueuses. Les enfants cou-rurent se réfugier dans les jupes de Charlotte, qui n’était guère plus rassurée qu’eux. La mère Stébenne l’effrayait.
    — Docteur, on vient de m’appeler chez Ferrière. Sa femme

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