Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
Vom Netzwerk:
rentrer.
    — Maman, ma jolie maman, disait Melchior tout heureux, gambadant sur l’estrade en bousculant quelques-unes des grandes personnes présentes qui fuyaient l’endroit surélevé.
    Plus loin, le curé de Pointe-Olivier causait avec madame de Rouville, l’informant de son avenir.
    — Monseigneur Plessis songe à me confier la cure de La Prairie dès cet automne. Je quitterai la belle région de la rivière Chambly { regret. L’endroit est magnifique, tant par son paysage que par son développement.
    — Monsieur le curé Boucher quitte La Prairie ? Vous m’en voyez étonnée ! Mais vous serez certainement heureux là-bas et bien plus près de Montréal et de notre beau et grand fleuve Saint-Laurent. J’avoue que la vue du fleuve me manquera toujours. Mais voici mon fils qui veut certainement vous saluer.
    — Je l’aperçois. Mais j’ignorais qu’il était marié! fit le curé. Ma foi, son épouse est fort jolie. Il doit être fier d’avoir un fils qui lui ressemble { ce point. Quel enfant charmant !
    — Vous vous trompez, le reprit madame de Rouville en s’étranglant. Il s’agit de la femme et du fils du docteur Talham.

    Le curé se tut plutôt que de s’empêtrer plus avant dans ses explications. L’homme et l’enfant se ressemblaient { s’y méprendre. Riche de son expérience de curé de paroisse et des confidences du confessionnal, plusieurs explications possibles s’offraient { lui, allant de la simple séduction au viol. Cette jeune femme avait l’air si innocente. Il rangea l’homme instantanément dans la catégorie des paresseux et des fourbes. Madame de Rouville était assurément la grand-mère du petit bâtard et peut-être venait-il de lui révéler un fait qu’elle avait ignoré jusqu’{ ce jour. Les fruits de l’adultère étaient courants dans la bonne société. Des secrets de famille qu’on taisait. A ce chapitre, la moralité de la classe paysanne était beaucoup plus stricte. Le curé de Pointe-Olivier se demanda si son collègue de Chambly était au courant. Un enfant bâtard était toujours une grande source de problèmes, soupira-t-il intérieurement.
    Madame de Rouville ne devait jamais oublier ce moment.
    L’enfant venait souvent au manoir puisque son mari raffolait du garçonnet, qui était aussi son filleul. Elle n’avait prêté qu’une attention distraite { celui qu’elle croyait être le fils du docteur Talham. Pourtant, elle aurait dû comprendre depuis longtemps. Il était vrai que l’enfant tenait beaucoup de sa mère et qu’il fallait voir Ovide { côté de Melchior pour constater la ressemblance. L’enfant avait encore un joli visage rond et ses cheveux étaient blonds, même si on voyait que plus tard, inévitablement, ils tourneraient au brun. Mais c’étaient bien les mêmes yeux, ceux qu’Ovide de Rouville avait hérité de son grand-père de Rouville. Si elle avait besoin d’autres preuves, elle n’avait qu’{ voir les cheveux plantés de l’enfant, exactement comme ceux de son propre fils. Et cette façon qu’il avait eue, en se retournant, le regard en coin. Ovide avait eu le même geste, petit, lorsqu’il mentait ou croyait qu’on le punirait.
    De nombreuses questions sans réponse affluaient. Quand cela s’était-il produit? Elle se rappelait vaguement les rumeurs qui avaient couru au moment du mariage du docteur avec Marguerite Lareau, comme quoi celle-ci s’était mariée grosse d’un enfant. Certains avaient laissé entendre que le docteur avait abusé de la jeune femme pour l’épouser.
    Elle découvrait que tout cela était faux. La rencontre à Montréal, le jour de cette stupide séance de théâtre où son époux les avait entraînées, elle et Julie. Les Talham venaient de se marier, avec la complicité de Melchior de Rouville. Et plus tard, il avait voulu être le parrain de l’enfant. Que savait son mari, sur cette affaire? Avait-il agi ainsi pour couvrir leur fils ? Non, c’était impossible. Il ne lui aurait pas caché une chose pareille. Et Talham ? Que savait-il ? On l’avait peut-être abusé, lui aussi, en lui taisant l’état de la fille.
    Ovide avait déj{ forcé une servante qu’elle avait immé-
    diatement mise à la porte. Son fils aurait fait de même avec cette fille d’habitant ? Elle songea { tous les problèmes que cet enfant pourrait causer, un jour, si jamais il découvrait ses origines. Elle pensa à tout ce qui séparait Ovide de son père. Leur haine mutuelle, qu’elle opposa

Weitere Kostenlose Bücher