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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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milieu de la boue et de la pluie froide, inlassablement, le curé et le docteur joignaient leurs efforts pour contrer l’épidémie, une lutte perdue d’avance. Le docteur soignait les malades avant que le curé n’administre les derniers sacrements, puis les familles enterraient leurs morts à un rythme infernal.
    — Sortons vite de cet endroit, murmura le docteur au prêtre, qui acquiesça d’un discret signe de tête.
    Le curé s’adressa { l’homme au regard résigné qui se tenait appuyé sur le chambranle de la porte.
    — Votre mère est morte après avoir fait la paix avec le Seigneur, dit-il en guise de consolation.
    — Je suis désolé, mais il faut l’enterrer rapidement, recommanda Talham au cultivateur d’un ton qu’il aurait voulu moins brusque et plus empreint de compassion ; la fatigue des derniers jours et la crainte de la contagion ne lui permettaient plus de s’attendrir.
    — Ces fièvres épidémiques sont extrêmement conta-gieuses. Faites-moi prévenir si un membre de votre famille présente le moindre signe de fièvre ou de diarrhée Et surtout, pas de purgation !
    — C’est très bien, docteur, répondit le fils Vincelette.
    Demain, monsieur le curé? s’enquit l’homme endeuillé auprès du prêtre.
    — [ onze heures, convint ce dernier d’un ton las, tant il était épuisé par l’ampleur de la tâche des derniers jours.
    Le médecin et le curé laissèrent là la famille éplorée. La femme Vincelette ferait la toilette funèbre de sa belle-mère sans l’aide des voisines, car la maladie faisait peur. Son mari s’occuperait de clouer le modeste cercueil de bois pendant la nuit.
    Dehors, le temps refusait de s’emmieuter. La pluie froide tombait toujours et les charrettes s’enfonçaient dans la boue qui recouvrait les ornières profondes des chemins. Et il ne se passait pas un jour sans que le curé ou le médecin, ou les deux { la fois, ne soient appelés d’un bout { l’autre de la paroisse. Monsieur Boileau avait eu pitié d’eux et offert sa vieille berline pour les transporter { l’abri des intempéries.
    Le forgeron avait ferré les roues à neuf, ce qui ne prévenait pas nécessairement l’embourbement. Et les deux hommes n’avaient pas toujours un cocher { leur disposition, comme c’était le cas ce soir-là.
    — A-t-on jamais vu autant de pluie en plein hiver?
    déplora Talham, à la fois découragé et trempé.
    — C’est épouvantable, ajouta le curé. Les murs neufs de notre église résonnent de chants funèbres. J’ai chanté le service de madame Perrault ce matin ; en moins de dix jours, la pauvre a suivi son mari dans la tombe. Le glas qui sonne chaque jour jette l’effroi chez les habitants { tel point que les plus mécréants d’entre eux en sont rendus { faire dire des messes pour le salut de leur âme. Je pourrais en profiter pour leur lancer des cris du haut de la chaire, mais la tristesse des familles endeuillées m’arrête dans mon entreprise de prédication.
    — Que les vieillards meurent est dans l’ordre des choses, mais ces fièvres attaquent aussi les jeunes enfants. Le petit des Picard, mort la semaine dernière, n’avait que cinq ans.
    La berline approchait du presbytère. Il était temps, la soutane trempée du curé raidissait dans le froid du soir et le docteur rêvait d’une chemise propre et d’un bon feu.
    — Entrez donc un moment, docteur, l’enjoignit le curé.
    Marie-Josèphe n’est sûrement pas couchée. Ma brave sœur a pris l’habitude de m’attendre. Elle entretient le feu et prépare une petite collation de bouillon chaud. Il n’y a rien de meilleur après une de ces sinistres journées.
    Le docteur accepta l’invitation du curé. Il devait être vers les onze heures du soir et, chez lui, la maisonnée était endormie. Depuis que l’épidémie s’était déclarée, les deux hommes s’appréciaient de plus en plus, passant de longues heures ensemble, l’un soignant les corps et l’autre recommandant les âmes à Dieu.
    — Bien volontiers, monsieur le curé. Chez moi, je dois ranimer le poêle si je veux prendre quelque chose de chaud.
    Marguerite dort beaucoup ces jours-ci. Elle est à nouveau embarrassée, comme dit Charlotte. C’est sa dernière trouvaille pour annoncer que sa maîtresse est enceinte.
    Au regard furibond de son compagnon de misère, Talham répondit par un sourire fatigué, sachant à quel point Bédard était pudibond dans le choix de son vocabulaire. Mais cette petite

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