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Marguerite

Marguerite

Titel: Marguerite Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louise Chevrier
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Pierre Boileau, le défunt père de Monsieur, avait su profiter largement des manigances de l’infâme intendant Bigot, du temps de la Nouvelle-France.
    Bigot avait moisi dans les prisons du roi de France tandis que le père de Monsieur Boileau avait poursuivi son négoce
    { Chambly. Aujourd’hui, la famille Boileau vivait sur un grand pied, et ce raffinement irritait la petite noblesse de Chambly.
    —De la pure jalousie ! plaidait Augustin à Charlotte Troie, la jolie servante du docteur Talham qui lui rapportait la dernière rumeur de la bonne des Niverville entendue au marché.
    La bonne société de Chambly murmurait que son maître n'était qu’un parvenu. C’était pourtant chez Monsieur Boileau, rappela-t-il un jour à Charlotte, que le prince William Henry avait soupé et couché avec sa suite, quinze ans auparavant. Augustin ne pouvait oublier l’événement; il venait d’être engagé dans la maison. Le jeune enfant qu’il était alors avait été ébloui : un prince d’Angleterre à Chambly et chez son maître! Les Niverville n’avaient jamais pardonné cet affront à Monsieur Boileau.
    — C’est bien la preuve, mademoiselle Charlotte, avait-il affirmé, que la noblesse n’est pas une affaire de particule au Bas-Canada !
    Impressionnée, Charlotte avait approuvé, d’autant que cette opinion la confortait sur les nobles origines de son propre maître, le docteur.

    *****
    Maître et domestique étaient si profondément plongés dans leurs réflexions qu’Augustin eut un geste maladroit, entaillant légèrement la joue tendre.
    — Oh ! Que monsieur me pardonne !
    — Ça ira, fît le bourgeois, visiblement mécontent d’arborer un visage égratigné toute la journée.
    II y eut un long moment de silence durant lequel le domestique s’appliqua consciencieusement à terminer sa tâche sans heurts.
    — L’hiver
    s’annonce
    difficile,
    prédit

Monsieur
    Boileau.
    — Surtout après ces grands vents d’hier soir, répondit vivement Augustin. On aurait dit que le diable lui-même se déchaînait en pas-gêné.
    Ne crains rien, mon bon Augustin, le rassura son maître d’un ton amusé. Le diable n’y est pour rien. Existe-t-il seulement ?
    — C’est bien certain que le diable existe, protesta le valet. Monsieur le curé en parle souvent. Il ne serait pas content de vous entendre, Monsieur.
    — Mais il m’a déj{ entendu et en a été si fortement ébranlé qu’il a laissé choir son bréviaire, se rappela son maître en riant.
    Avant que le jeune homme, choqué par ses propos scandaleux, ne lui coupe encore le visage, le bourgeois changea de propos :
    — Augustin, ma toilette achevée, tu iras à la cave pré-
    parer quelques livres de mon meilleur miel que tu porteras au presbytère à la charmante demoiselle Bédard, avec mes compliments. Notre curé pourra s’en régaler entre deux confessions. Tu te rendras ensuite chez le docteur Talham pour lui porter quatre livres de miel, mais de moins bonne qualité, puisqu’il servira { fabriquer ses remèdes.
    — Bien Monsieur, répondit Augustin avec son habituelle déférence.
    — En te réchauffant au feu de la cuisine du docteur, tu pourras toujours en profiter pour conter fleurette à la belle Charlotte.
    Augustin rougit. Il ne rechignait jamais à faire quelques commissions chez le docteur. Avec ses beaux décolletés et la petite mèche blonde qui dépassait toujours de son bonnet de coton, Charlotte lui plaisait. Parfois, la coquette lui faisait des yeux
    doux.
    Et
    Augustin,
    qui
    avait
    toujours
    été
    satisfait de sa condition, s’était mis { rêver d’un petit lopin de terre au village avec une petite maison pour Charlotte ci lui, près de l’église. Il pourrait ainsi continuer de servir Monsieur Boileau et Charlotte, son cher docteur.

    Le visage de son maître rasé de près, Augustin essuya consciencieusement la lame du rasoir et la rangea dans le semainier. Il l’affûterait plus tard, lorsque les six autres laines de la boîte auraient été utilisées.
    — Monsieur portera-t-il sa perruque blanche ?
    — Pas aujourd’hui, Augustin, fit Monsieur Boileau en savourant du revers de la main la fraîcheur de son visage propre. Je n’attends pas de visite. Je passerai plutôt la journée dans mon cabinet de travail, j’ai du retard dans mes notes et mes écrits. Avec ce froid, qui peut souhaiter quitter une maison bien chauffée?
    Augustin entreprit de peigner la longue chevelure dans laquelle, depuis quelque

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