Marie Leszczynska
défendre. Résultat : le clan des dévots ne rassemble jamais les mêmes personnes. La reine a régulièrement fréquenté quelques-unes d’entre elles, mais elle n’a jamais appartenu à un groupe. Elle était bien trop soucieuse de ne pas commettre d’impair dans ce domaine.
Des impairs et des erreurs, la reine en a pourtant commis. Son obsession à défendre systématiquement la religion l’a menée à bon nombre d’excès. Lors de la parution des premiers volumes de l’ Encyclopédie , par exemple, non seulement elle s’interdit de lire ces ouvrages suspects, mais elle reprend à son compte les critiques d’amis de son petit cercle en réclamant que certains passages incriminés soient réécrits. Curieuse exigence pour une lectrice… qui ne les a jamais lus !
Il lui arrive aussi d’être mal inspirée. C’est le cas avec Helvétius
, fils de son médecin, qui fait scandale en publiant De l’Esprit alors qu’il occupe épisodiquement la charge de maître d’hôtel ordinaire de la souveraine. Le livre paraît en 1758 avec le privilège du roi, le censeur royal étant Tercier, l’un des personnages clés du Secret du roi [9] , ami de longue date de Stanislas et proche de la reine. Dès sa parution, le dauphin, irrité par ce texte antireligieux, en fait vivement le reproche à sa mère. Plus pondéré, mais tout aussi critique, le président Hénault
adresse l’ouvrage à Marie en lui signalant les passages tendancieux. Très ennuyée par ce brûlot dont elle ne savait rien, la reine est mise en cause par les mauvaises langues dans cette affaire. Elle suggère à l’auteur de publier immédiatement une édition expurgée de son livre. Trop tard… La tempête s’est déjà déchaînée : le Conseil d’État puis le Parlement condamnent le livre à être brûlé, suivis par la Sorbonne, l’archevêque de Paris et le pape. Helvétius
ne doit son salut qu’à la protection de Marie et de Choiseul, nouveau ministre aux Affaires étrangères. Mais il est contraint de rédiger une rétractation et la reine l’oblige à vendre sa charge de maître d’hôtel.
Certaines de ses maladresses font le bonheur des ragotiers de Versailles : apprenant que les comédiens-français devaient jouer L’Orphelin de la Chine , nouvelle tragédie de Voltaire, Marie met le roi en garde. Elle a entendu dire qu’il s’y trouvait des allusions à la conduite de son époux. Louis XV dépêche aussitôt l’un de ses conseillers, Monsieur de Saint-Florentin, pour qu’elle lui indique les passages à supprimer. Fort embarrassée, Marie doit alors avouer qu’elle n’a jamais pris connaissance du texte. Faute d’informations, la pièce sera jouée intégralement, à la grande joie du maréchal de Richelieu qui ne manque pas une occasion de tourner en dérision la reine et ses dames qu’il appelle, dans l’intimité, « la semaine sainte ».
Incapable de marier ses filles
Au chapitre des échecs, il faut imputer à Marie son incapacité à trouver des époux dignes de ses filles. Elle n’a pas su ou n’a pas voulu remplir la fonction de « marieuse » rituellement attribuée à la reine de France. Réelle incompétence ou esquive diplomatique ? Peut-être s’est-elle simplement gardée de suggérer la moindre alliance, afin d’éviter tout conflit avec le roi et Fleury puisqu’on l’avait priée de ne pas se mêler de politique.
Une seule des six filles en âge de se marier a pris époux : Louise Élisabeth
, dite Madame Infante. Mais la reine n’est pour rien dans cette union, orchestrée par Louis XV et Fleury. En exceptant Madame Louise
, dont les témoignages permettent de penser qu’elle se destinait depuis l’adolescence à la religion, Marie Leszczyńska n’a pas fait le moindre effort pour marier Mesdames. Au fil des ans, les survivantes, Adélaïde
, Victoire
et Sophie
, deviendront des dames embarrassantes et totalement inutiles au royaume.
Curieusement, l’épouse de Louis XV passe sous silence ses échecs de mère. En dépit de sa propension à culpabiliser, parfois même quand elle n’est pas réellement responsable, l’avenir incertain de ses filles ne semble jamais la tourmenter. Quelles que soient les raisons de son attitude, ses détracteurs ont su la mettre en exergue en lui reprochant, une fois de plus, de ne pas aimer ses enfants.
Elle fréquente régulièrement les couvents
À l’inverse de reines comme Marie de Médicis
ou Anne d’Autriche qui se
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