Marie Leszczynska
elle n’a ni grâce ni noblesse, quoiqu’elle se mette d’un très grand goût et avec un art infini, talent qui lui est particulier, et que les femmes de la cour ont tâché en vain d’imiter ». Gaie, spirituelle et désintéressée, elle apprécie la compagnie du roi et ne cache pas son attirance pour ce jeune homme qu’elle trouve superbe. En revanche, elle n’est absolument pas impressionnée par la fonction, ce qui rassure Louis XV. Mais, pour l’heure, le roi ne semble tenté par aucune liaison…
Infidèle mais toujours discret
Au fil des semaines, Mademoiselle de Charolais se convainc de précipiter Madame de Mailly dans les bras du roi. Cette jeune comtesse ne cherchera pas à saper son influence sur le souverain ; elle lui a d’ailleurs fait promettre « de s’en tenir aux seuls honneurs du mouchoir » et de ne rien entreprendre sans l’avis « des personnes qu’elle sait avoir la confiance et l’estime du roi ».
Selon le calendrier de ses chasses, le roi prend l’habitude de coucher une fois par semaine à la maison royale de la Muette. Un soir de 1732, Louis XV y soupe en joyeuse compagnie. Les mets délicats et le vin de Champagne dont le souverain raffole suffisent à délier les langues. La conversation s’oriente sur les charmes et la réputation des femmes de la cour. Tout à coup, le roi lève son verre en annonçant qu’il boit « à l’Inconnue » ! Le lendemain, les convives interloqués s’interrogent encore sur le nom de cette muse mystérieuse. S’agissait-il d’une plaisanterie provocatrice du roi ? Louis XV gardera son secret mais, ce soir-là, l’assistance a compris qu’il était prêt à sauter le pas.
Selon les ragots, la comtesse de Mailly
devient la maîtresse du roi quelques mois plus tard, en 1733. Mais les avis divergent : le duc de Luynes parie, lui aussi, sur 1733 ; le marquis d’Argenson opte pour 1736 ; et Barbier n’en parle qu’en novembre 1737. À la cour, personne n’aura vent de cette liaison avant 1737. Preuve que les amants et leurs complices, vraisemblablement Mademoiselle de Charolais, la comtesse de Toulouse, la maréchale d’Estrées
et Bachelier, le premier valet de chambre du roi, ont su donner le change !
Seule la reine a compris dès les premiers mois. Au comportement de son époux, elle a deviné son infidélité. Peut-être en est-elle partiellement responsable, car elle vient de fermer la porte de sa chambre à Louis XV, sur ordre des médecins qui craignent pour sa septième grossesse. Quelques ragots sont venus étayer ses convictions mais elle ignore le nom de sa rivale.
Elle se garde bien d’en parler au cardinal, préférant confier ses peines à son père. Dans une lettre datée du 3 janvier 1734, Stanislas commente les soupçons de sa fille. Une phrase, écrite en polonais et à demi codée, répond aux états d’âme de la reine : « Ce que vous me mandez de la constance du roi, sans espérance de changement, me désole. Cependant, je crois que les circonstances présentes, si le bon Dieu les donne heureuses, pourront le ramener. » Toujours optimiste, Stanislas espère que la naissance prochaine d’un prince rendra à sa fille son époux volage. Malheureusement, ce sera encore une fille, la sixième, appelée Madame Sophie
.
Quant au cardinal de Fleury, a-t-il été complice ou pas de la trahison familiale du roi ? Les deux ! Au début, il se comporte en Tartuffe, jouant le précepteur fâché par l’attitude de son élève ; au point de se retirer une nouvelle fois à Issy en 1738. Pourtant, il finit par accepter la situation puisqu’il déclare, un peu plus tard, à la duchesse de Brancas qui rapporte ses propos avec une ironie mordante : « Ah ! si vous saviez combien il était nécessaire que Madame de Mailly eût le coeur du roi, combien il serait funeste de le lui enlever. […] Le roi commençait à craindre la reine ; elle avait été livrée aux intrigues de Monsieur le Duc et de Madame de Prie. Le roi pouvait se perdre par un mauvais choix ; il n’y en avait qu’un bon qui pût le sauver. Si vous saviez combien j’ai gémi aux pieds de cette croix. […] Combien j’ai maudit mon pouvoir, sans puissance sur le coeur du roi ! Le roi a du moins les vertus de Madame de Mailly, laissons-les-lui. Je n’ai plus qu’un moment à vivre… »
Les tourments du roi
Période étrange où la reine continue d’enchaîner les maternités au rythme d’une par an, ce qui
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