Marie Leszczynska
2 octobre, sans prendre le temps de saluer Catherine Opalinska qui s’en indigne. La cour de Lunéville garde le souvenir d’un roi perdu dans ses pensées, cachant mal sa nervosité. Il abandonne Marie à ses prières et à ses peines, partagée entre l’amertume de l’échec et la joie de profiter quelques jours de ses parents. Confident affectueux de sa fille, Stanislas tente d’apaiser sa tristesse quand survient la nouvelle de la disparition de Madame Septième
, morte à l’abbaye de Fontevrault. Marie prie pour sa petite Thérèse Félicité
, âgée de sept ans et demi. Elle en avise sobrement Louis XV mais s’épanche dans une lettre au fidèle d’Argenson : « Les plaisirs, même les plus innocents, ne sont pas faits pour moi ; aussi n’en veux-je plus chercher dans le monde. [...] Je sens seulement que mon coeur parle et qu’il est dans la douleur. »
Le 9 octobre, la reine reprend tristement la route du retour. Mais, sur tout le parcours, elle n’a pas le temps de s’abandonner à la mélancolie. Elle reçoit les ovations des populations massées le long de la route ; et dans chaque ville traversée, elle se plie à l’usage des présentations et des harangues. Pour le peuple, celle qui revient de Metz a reconquis sa place et gagné son surnom de « bonne reine ». La guérison, le renvoi de la favorite, l’abjuration publique de l’adultère, le repentir et le roi sauvé qui s’en va guerroyer, sont autant de preuves d’un retour aux fonctions monarchiques traditionnelles. Devant un tel enthousiasme, Marie doit garder secrètes ses blessures et ses désillusions.
Après la France, c’est Versailles qui l’acclame. La cour n’a jamais été aussi brillante et les dames aussi nombreuses. « On en compta soixante-quatre dans la chambre de la reine », remarque le duc de Luynes.
Le 13 novembre, Louis XV revient à Paris couvert de gloire. La fière citadelle de Fribourg est tombée, vaincue par les troupes qu’il commandait. Sous la pluie et les bourrasques de vent qui noient les illuminations, il gagne les Tuileries où l’attend toute la cour. La reine, le dauphin et Mesdames s’avancent à sa rencontre. Souriant mais visiblement amaigri, le roi embrasse son épouse et ses enfants avant de saluer les courtisans présents.
Cette nuit-là, relate le duc de Luynes informé par les femmes de chambre, « on est venu gratter trois fois à la porte de communication de la chambre du roi à la chambre de la reine. Les femmes de Marie l’en ont avertie, mais elle leur a dit qu’elles se trompaient et que le bruit qu’elles entendaient était causé par le vent. Ce bruit ayant recommencé une troisième fois, la reine, après quelque temps d’incertitude, a dit qu’on ouvre, et l’on n’a trouvé personne ». Ultime tentative de réconciliation de Louis XV avec son épouse ? Affabulation des femmes de chambre ? La reine n’y a pas cru et le mystère demeure…
Pendant quatre jours de fêtes, de cérémonies religieuses, d’audiences, de banquets, d’illuminations et de feux d’artifice, les souverains sont sous le regard des Parisiens. Barbier constate que le roi a été fort gai au dîner de l’Hôtel de Ville et qu’il paraît « fort satisfait de son peuple ». Quand l’avocat s’étonne de l’absence de Marie Leszczyńska, on lui répond que « les reines de France ne mangent point à l’Hôtel de Ville quand elles n’ont point fait d’entrée publique à Paris ». D’ordinaire observateur, Barbier n’a pas reconnu un visage familier dans la foule : une certaine Madame de Châteauroux qui n’a d’yeux que pour le roi. Dans une lettre au duc de Richelieu, elle ne cache pas ses sentiments : « Vous ne savez pas ce qu’il m’en a coûté de le savoir si près, et de ne pas recevoir la moindre marque de ressouvenir. […] Croyez-vous qu’il m’aime encore ? Il croit peut-être avoir trop de torts à effacer, et c’est ce qui l’empêche de revenir. Ah ! Il ne sait pas qu’ils sont tous oubliés. Je n’ai pu résister au plaisir de le voir. […] Je l’ai vu, il avait l’air joyeux et attendri ; il est donc capable d’un sentiment tendre ! Je l’ai fixé longtemps, et, voyez ce que c’est que l’imagination, j’ai cru qu’il avait jeté les yeux sur moi et qu’il cherchait à me reconnaître. Sa voiture allait si lentement que j’eus le temps de l’examiner longtemps. Je ne puis vous exprimer ce qui se passa en moi. »
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