Marie Leszczynska
Mais, tout en laissant éclater sa passion pour le roi, la duchesse ne peut taire une sourde angoisse : « Je crois que tôt ou tard il m’arrivera quelque malheur. J’ai des pressentiments que je ne puis éloigner… »
Bref triomphe et fin tragique
À Versailles, l’annonce du retour de la favorite se colporte sous le manteau. Les rumeurs les plus folles circulent sur son compte. Certains affirment que le roi lui aurait rendu visite une nuit à Paris, dans sa maison de la rue du Bac ; d’autres qu’elle l’aurait revu, incognito, un soir à Versailles. Selon Barbier, « il est cependant prudent d’être circonspect pour éviter la Bastille ». Ce qui est sûr, c’est que le roi a sanctionné tous les acteurs de la comédie de Metz, définitivement exilés sur leurs terres. Quant à Monseigneur de Fitz-James, il recevra l’ordre de se retirer dans son évêché de Soissons en janvier 1745.
Le 25 novembre, en sortant du Conseil, Louis XV impose au comte de Maurepas de se rendre en personne chez Madame de Châteauroux pour lui annoncer son rappel à la cour. Quelle humiliation pour le secrétaire d’État à la Maison du roi qui a tant vilipendé la favorite ! Contraint de s’exécuter, le ministre remet le billet du roi à la duchesse qu’il trouve alitée et fiévreuse. Selon Barbier, « cette nouvelle révolte infiniment tout le public de Paris ».
Madame de Châteauroux n’aura pas le temps de savourer longtemps son triomphe. Rapidement, la fièvre et les maux de tête empirent. Elle se tord de douleur malgré les saignées, parfois en proie à des convulsions. Rongé d’inquiétude, Louis XV s’enferme dans ses cabinets où il reçoit des nouvelles toutes les heures, ne sortant que pour se rendre à la messe ou assister au Conseil. Par respect pour lui, Marie se prive de toutes les distractions qui peuvent « avoir l’air d’une partie de plaisir ». Non seulement elle prie pour la malheureuse duchesse, mais elle fait dire des prières ; Louis XV de son côté demande à la chapelle et à la paroisse de Versailles des messes pour sa guérison.
Après une agonie douloureuse, ponctuée de divagations accusatrices contre de prétendus empoisonneurs, la duchesse de Châteauroux meurt le matin du 8 décembre 1744. Elle n’avait que vingt-sept ans. Ainsi s’achève tragiquement le destin de l’orgueilleuse duchesse. À sa soeur, la grosse Madame de Lauraguais qui remplace quelque temps l’absente dans son lit, Louis XV dira : « Madame, Dieu vous a frappée, il m’a frappé aussi ; je croyais n’avoir qu’à désirer, mais Dieu en a disposé autrement. Il faut adorer sa main et se soumettre. »
Hormis Louis XV, personne ne regrette la disparition de Madame de Châteauroux à la cour. Pourtant, une lourde atmosphère de deuil étouffe le château. Marie, préoccupée par la santé de sa mère et terrifiée par la maladie foudroyante de la favorite, passe des nuits agitées de cauchemars. Selon la légende, la reine, réveillée en sursaut, aurait interpellé l’une de ses femmes : « Mon Dieu, cette pauvre duchesse, si elle revenait ! Je crois la voir ! » Et la femme de chambre de lui répondre en riant : « Madame ! Si elle revenait, ce ne serait pas Votre Majesté qui aurait sa première visite ! »
Huit jours plus tard, la mort frappe encore Louis XV : la bonne « Maman Ventadour » disparaît à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Après la disparition de Fleury, elle constituait le dernier rempart protecteur de son enfance. Désormais, le roi est seul, mais ce n’est pas vers Marie qu’il va chercher du réconfort.
1 -
François-Victor Le Tonnelier de Breteuil (1686-1743) a été maître des requêtes et intendant du Limousin avant de devenir chancelier de la reine Marie Leszczyńska, grand maître des cérémonies de l’ordre du Saint-Esprit et secrétaire d’État à la Guerre de 1723 à 1726 et de 1740 à 1743.
2 -
Pendant quinze ans, le comte Marc-Pierre d’Argenson sera ministre d’État et secrétaire d’État. Il est le frère cadet du marquis René-Louis d’ArgensonArgenson qui dirigera les Affaires étrangères durant un peu plus de deux ans. Dans les souvenirs du royaume, René-Louis a quelque peu éclipsé son frère par le biais de son Journal et de ses Mémoires , caustiques et abondamment utilisés par les historiens.
3 -
Il n’y a jamais eu de surintendante auprès de la dauphine en France. Madame de Montespan,
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