Marie Leszczynska
brillamment l’examen, dont une série de terribles révérences protocolaires constitue le pire moment.
L’assemblée passe ensuite chez Marie Leszczyńska, où les courtisans attendent le face à face avec délectation. Après les trois révérences d’usage, Jeanne-Antoinette s’incline pour saisir de sa main dégantée le bas de la robe de la souveraine afin de le baiser. Déroutant l’assistance ainsi que la marquise, la reine évoque une relation commune, Madame de Saissac
. Profondément troublée, Jeanne-Antoinette ne parvient pas à répondre clairement à la reine ; elle ne peut que murmurer : « J’ai, Madame, la plus grande passion de vous plaire et vous assure de mon profond respect. » Après quoi, les deux femmes entament un entretien à voix basse d’une douzaine de minutes, apparemment amical mais décevant pour les ragotiers de Versailles.
L’examen n’est pas terminé. Jeanne-Antoinette doit encore accomplir les mêmes gestes, les mêmes révérences chez le dauphin et la dauphine qui se révèlent moins accueillants ; puis chez Mesdames Henriette
et Adélaïde
qui n’ont que mépris pour la nouvelle maîtresse de leur père.
À la conquête de la reine
Louis XV est très amoureux de cette jeune femme qui lui fait oublier ses crises de mélancolie. Elle le rassure et le protège. Auprès d’elle, il s’abandonne. Le 16 septembre, le roi décide de se rendre à Choisy avec Jeanne-Antoinette, loin des commérages de la cour. Malheureusement, une indisposition du roi bouleverse les retrouvailles des deux amants. Outre un accès de fièvre, il ressent une douleur à la langue et à la gorge [5] . Les médecins le saignent deux fois dans la même journée. Le lendemain, dimanche, la fièvre est tombée et la fluxion résorbée. Mais la reine, prévenue dès la veille, demande au roi l’autorisation de se rendre à son chevet. À son grand étonnement, Louis la convie à Choisy en précisant « qu’elle y trouvera un bon dîner, des vêpres et le salut ». En effet, Marie reçoit un bon accueil de son époux et toutes les dames, y compris Madame de Pompadour, dînent avec elle.
Si Louis XV a convié chaleureusement Marie à Choisy, allant jusqu’à lui attribuer un appartement pour qu’elle puisse y venir régulièrement, c’est uniquement à la demande de Madame de Pompadour. Cette délicate attention déstabilise la reine, plutôt habituée à l’insolence des soeurs Nesle et à la goujaterie de son époux.
Le séjour automnal de la cour à Fontainebleau confirme l’attitude de la marquise. Très discrète, la jeune femme se montre peu, ne sortant que pour faire sa cour à la reine ou accompagner le roi à la chasse. Au moment de quitter Fontainebleau pour Versailles, la cour apprend que la reine fait à nouveau étape à Choisy, à l’invitation du roi. En réalité, la suggestion vient de Jeanne-Antoinette. Elle sait qu’en s’alliant Marie, elle renforce le pouvoir de la reine et crée une sorte de dualité dont l’intérêt n’échappe pas à Louis XV qui saura l’utiliser le moment venu.
Le 24 décembre 1745, la mère de la favorite meurt d’un cancer à l’âge de quarante-six ans. Elle en est si bouleversée qu’elle doit s’aliter. Madame Poisson est à peine inhumée qu’une épitaphe satirique circule déjà à Paris, reprise notamment par Barbier :
« Ci-gît qui, sortant du fumier
Pour faire une fortune entière,
Vendit son honneur au fermier
Et sa fille au propriétaire. »
Pour se faire pardonner d’avoir abandonné à la reine les obligations traditionnelles de la fin de l’année, Louis XV lui offre une tabatière en or émaillé en guise d’étrennes. Marie, qui ne recevait plus de cadeaux de son époux, voit dans ce présent l’influence de la favorite. Par chance, elle ne saura jamais que cet objet précieux était, en réalité, destiné à feu Madame Poisson…
Bienveillante et conciliante
L’année 1746 est déterminante pour Madame de Pompadour qui s’impose en douceur dans la vie publique et privée du roi. Amis, ennemis, écrivains, artistes ou princes, ont tous une demande à formuler. Et la maîtresse du roi prend sa revanche de petite-bourgeoise en leur imposant une étiquette qu’ils acceptent sans broncher. On lui est présenté comme à la reine et on lui fait la cour. En réalité, Madame de Pompadour n’a aucune ambition démesurée, mais la certitude d’une mission à accomplir. Elle oeuvre pour
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