Marie Leszczynska
son maître. À travers elle, c’est la gloire du roi qui est en jeu : si l’on manque de respect à la favorite, on offense le roi.
Marie Leszczyńska l’observe avec un certain plaisir et une évidente bienveillance, d’autant que Madame de Pompadour multiplie les prévenances à son égard. Sachant que la reine adore les fleurs, elle lui envoie de somptueux bouquets ; apprenant qu’elle a accumulé d’énormes dettes de jeu, elle en avise le roi qui éponge quarante mille livres de déficit ! Elle fait preuve d’un grand respect envers la souveraine, s’inquiète de sa santé et lui fait régulièrement sa cour. Les jours d’appartements, lorsque le roi reçoit dans la grande Galerie et les salons, Jeanne-Antoinette assiste au dîner de la reine ainsi qu’à son jeu. Lorsque vient l’instant de rejoindre Louis XV, elle se lève, plonge dans une harmonieuse révérence et lui demande la permission de se retirer. Toujours accordée par Marie, avec un sourire de connivence…
L’attitude conciliante de la reine incite la favorite à s’immiscer un peu plus dans sa vie. Mais sa méconnaissance de l’étiquette et des coutumes lui fait commettre quelques erreurs dont la cour se délecte. La marquise confie un jour à la duchesse de Luynes
son désir d’assister au coucher de la souveraine. La reine accepte. Le soir venu, elle garde la marquise auprès d’elle plus longtemps que les autres dames. Flattée de ce privilège, Jeanne-Antoinette se croit admise régulièrement aux « entrées de la chambre de la reine ». Erreur : il s’agissait d’une invitation exceptionnelle ! Pourtant la marquise récidive. Cette fois, elle souhaite monter dans le carrosse de la reine. Refus de Marie qui répond, agacée par son insistance : « Toutes les places sont promises. » Après réflexion, elle se ravise et promet de la convier en cas de défection ; ce qui ne manque pas de se produire.
Quand Madame de Pompadour se propose pour l’aider pendant la Cène du Jeudi saint, Marie réplique que toutes les dames ont été désignées, choquée qu’une femme vivant dans le péché ose participer à une cérémonie religieuse. Et la marquise ne quêtera pas non plus à la chapelle, le jour de Pâques. En matière de religion, Marie ne transige jamais, ce que confirme son ami, le président Hénault
: « Elle est sur la religion d’une sévérité bien importante dans le siècle où nous sommes. Elle pardonne tout, elle excuse tout, hors ce qui pourrait y porter atteinte. »
Peu au fait des règles qui régissent les relations d’un courtisan avec son souverain, Jeanne-Antoinette ignore qu’un sujet n’offre pas de cadeaux à la reine ; et lorsqu’ils émanent de la favorite de son époux, c’est une pure vexation. Voilà que dans son souci de plaire, Madame de Pompadour se présente chez la reine les bras chargés d’une magnifique corbeille de fleurs. Devant une assistance narquoise, Marie s’extasie longuement de la grâce printanière de la jeune femme qui supporte en silence le poids de la corbeille. Et la reine lui demande de chanter un air de son choix, afin de dévoiler sa si jolie voix. Interdite, la marquise hésite un bref instant avant d’entonner innocemment l’air de la magicienne Armide [6] :
« Enfin il est en ma puissance,
Ce fatal ennemi, ce superbe vainqueur. […]
Qui croirait qu’il fût né seulement pour la guerre ?
Il semble être fait pour l’amour. »
Son numéro achevé, la marquise pose la corbeille à terre et se retire après une superbe révérence. Elle laisse l’assistance médusée et la reine interloquée.
Marchandage royal pour Jeanne-Antoinette
Passionnée de scène, Madame de Pompadour décide d’adapter la mode des théâtres privés à Versailles, en créant le théâtre des Cabinets [7] ou des Petits Appartements. C’est une pierre dans le jardin du duc de Richelieu qui contrôle tout ce qui concerne les fêtes et les spectacles de la Maison royale, en qualité d’intendant des Menus Plaisirs et affaires de la chambre du roi.
Louis XV, considéré comme « l’homme du royaume le plus difficile à amuser », marque peu d’intérêt pour ce genre de divertissement. Au premier abord, il n’approuve pas le projet de la marquise. Mais, au cours du carême de 1746, il accepte qu’elle donne chez elle des concerts spirituels où elle chante des morceaux de musique religieuse, accommodant la semaine sainte à la manière
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