Marie Leszczynska

doit, maintenant, éviter le renvoi en devenant indispensable. Elle doit aussi faire comprendre à la cour qu’elle occupe un statut particulier auprès du roi. Méfiant, secret, Louis XV a pris l’habitude de s’informer de tout, sur tout, pour tout contrôler. Il veut tout savoir de l’esprit de la cour, de l’état de ses sujets, des complots, des querelles secrètes… Non seulement la marquise accède à des sources que n’ont pas les ministres, mais elle peut aussi transmettre des messages ou suggérer des démarches. « À trop voir en Louis XV un homme timide et introverti, écrit fort justement Bernard Hours, on a oublié qu’il pouvait aussi se révéler un maître de la mise en scène [11] . »
    Dans le camp de la marquise
    Madame de Pompadour obtient gain de cause. Après une campagne de remise en état et de décoration, elle dispose désormais de deux antichambres, un grand cabinet à pans coupés, une chambre, un salon et un petit cabinet ; sans oublier une méridienne, une salle des bains, une garde-robe et un arrière-cabinet, sur la cour intérieure et le passage de la cour des Cerfs.
    Un tel statut irrite Mesdames et le dauphin. Mais les princesses, qui espèrent encore déloger l’intruse, sont rappelées à la raison par Marie Leszczyńska. Ses enfants n’en reviennent pas : voilà qu’elle prend le parti de la marquise ! Luynes prétend qu’elle est « fort jalouse du crédit de ses enfants ». Cette appréciation peu vraisemblable ne résiste pas à l’analyse. Les récits des mémorialistes montrent, au contraire, que les enfants de France et la reine constituent un vrai clan familial, notamment uni par la pratique de la religion. En cela, ils partagent les querelles du parti dévot de la cour que l’on oppose à celui des philosophes, amis de la marquise de Pompadour.
    En réalité, Marie ne cherche plus à combattre la favorite. À quarante-sept ans, elle aime toujours son époux, mais préfère s’accommoder d’un modus vivendi qui fonctionne plutôt bien. L’ennui, c’est que la marquise ne couche plus avec le roi ! Connaissant les penchants de son époux, Marie redoute les intrigues qui l’ont tant fait souffrir comme elle s’alarme des conquêtes d’un soir, fournies par Bachelier puis Lebel
, ses valets de chambre… En cautionnant l’installation de Madame de Pompadour dans l’appartement de la comtesse de Toulouse, la souveraine espère que la favorite pourra canaliser les écarts de Louis XV.
    Cette fois, la reine et la marquise sont dans le même camp, mais les rivalités de fond ne sont pas éteintes.
    Duchesse grâce à un complot éventé
    En avril 1749, la disgrâce de Maurepas, qui servait le roi depuis vingt ans et savait le distraire, tombe comme un couperet. En diffusant un quatrain particulièrement outrageant pour la marquise, il a atteint la personne du roi, ce que Louis XV ne pouvait accepter. Avec l’exil de Maurepas, le comte d’Argenson, déjà ministre de la Guerre, renforce sa position en récupérant certaines de ses attributions dont le département de Paris et les Haras. Des rumeurs laissent entendre qu’il pourrait bien devenir premier ministre. D’Argenson est l’un des proches de la reine, c’est aussi l’un de ses meilleurs informateurs. Il renseigne Marie sur les grandes affaires de l’État et sur les petites aventures de la cour. La marquise le déteste mais n’oublie jamais la confiance que lui témoigne Louis XV. Elle gratifie donc ses billets de pompeux « mon cher comte » et lui offre aussi des cadeaux !
    Dans le même temps, le comte d’Argenson devient l’amant de la ravissante comtesse d’Estrades
, dame d’atour de Mesdames – qui la haïssent ! – et cousine de la marquise de Pompadour. Madame d’Estrades
vient de se brouiller avec sa parente. Elle se montre parfois dans le cercle de la reine, dont elle profite pour entraîner le comte dans une machination hasardeuse. Elle a décidé de détrôner la marquise en utilisant la dernière conquête du roi, la comtesse de Choiseul-Beaupré [12] , jeune et jolie femme qui n’a pas vingt ans et dont il semble fort épris. Il suffirait qu’au cours de leurs ébats, cette dernière réclame à son royal amant le départ de la favorite… Problème : le comte de Choiseul-Stainville, futur duc de Choiseul et cousin de la jeune femme, a eu vent du complot ourdi par les deux amants. Craignant des retombées catastrophiques pour sa famille, il vend