Marie Leszczynska
la mèche à Madame de Pompadour qui révèle l’intrigue à Louis XV. La jeune comtesse est aussitôt chassée de la cour et d’Argenson devient l’ennemi à abattre de la marquise.
La reine est catastrophée par cette affaire qui implique l’un de ses plus proches amis et risque de compromettre l’entente cordiale naissante entre elle et la favorite. Quant à Louis XV, il réplique par un message clair adressé à toute la cour, en offrant le titre de duchesse à Madame de Pompadour [13] .
Quatre ans plus tard, Madame d’Estrades
, qui continue de conspirer, recevra une lettre de cachet du roi lui signifiant de remettre sa charge de dame d’atour de Mesdames et de quitter aussitôt la cour. La missive a été rédigée au château de la Muette, où le roi s’est réfugié quelques jours avec Madame de Pompadour. Pour toute la cour, la favorite signe un nouvel acte de sa vengeance. Marie devine que la prochaine sanction s’abattra sur l’autre comploteur, son ami et informateur d’Argenson.
Quand Marie la Polonaise sert d’alibi…
En 1753, toute à la naissance de son second petit-fils, titré duc d’Aquitaine [14] , Marie cache une sourde rancoeur sous le masque de la grand-mère comblée. Une rumeur prétend que le roi entretient des « petites maîtresses » dans une maison cachée de Versailles avec la complicité de l’ex-marquise. La reine en parle ouvertement dans ses lettres au roi Stanislas. C’est la douloureuse légende du Parc-aux-Cerfs, dont le secret a été si bien gardé qu’il a attisé tous les fantasmes et noirci l’image du roi, déjà sérieusement écornée.
À l’origine, le Parc-aux-Cerfs était un enclos installé à Versailles par Louis XIII pour élever du gibier. Louis XIV l’utilisa à son tour avant d’y ériger des maisons dont la ville avait bien besoin pour se développer. L’une d’entre elles a été louée, puis achetée pour le compte de Louis XV [15] . Avec la complicité de Bachelier et Lebel
, ses valets de chambre, il loge l’élue du moment qu’il trousse à l’entresol du château, dans la chambre de Lebel
surnommée le trébuchet [16] parce qu’on y capture des « petits oiseaux »… Des jeunes filles consentantes se succèdent dans la demeure. Elles se croient entretenues par un riche seigneur polonais qui s’engage à assurer leur avenir et celui de leurs enfants. Quelques noms se chuchotent à Versailles : Mademoiselle Trusson, Mademoiselle Niquet, Mademoiselle de Romans, Lucie d’Estaing ou encore Marie-Louise O’Murphy, dite « Morphise », issue d’une famille d’émigrés irlandais, aussi ravissante que sa soeur aînée inspiratrice de L’Odalisque de Boucher. On dit encore que Morphise séduit et amuse beaucoup le roi, au grand dam de la marquise devenue duchesse.
Madame de Pompadour est impliquée dans le fonctionnement du Parc-aux-Cerfs et surveille de près les « petites maîtresses ». Elle craint toujours pour son avenir. Que deviendrait-elle si le roi décidait de reconnaître l’un des petits bâtards mis au monde par l’une d’entre elles et si, du même coup, il honorait la mère du titre de maîtresse déclarée ? Sa fidèle femme de chambre, Madame du Hausset, a la charge des futures mères et reçoit des consignes strictes de sa maîtresse : « Tenez compagnie à l’accouchée pour empêcher qu’aucun étranger ne lui parle, pas même les gens de la maison. Vous direz toujours que c’est un seigneur polonais fort riche, et qui se cache à cause de la reine sa parente, qui est fort dévote [17] . »
Pauvre Marie qui sert d’alibi sans le savoir dans cette triste histoire !
Au service officiel de la reine
Le 15 juin 1754, Madame de Pompadour apprend la mort subite de sa fille de huit ans, Alexandrine
, au couvent de l’Assomption. La reine lui envoie aussitôt un page chargé d’exprimer ses condoléances. Le malheur abat la favorite, en proie à une terrible crise de conscience. Dix jours plus tard, c’est son père, le vieux François Poisson, qui décède. Va-t-elle se retirer, comme l’espèrent ses ennemis ? Pas du tout ! Elle surmonte sa douleur et reparaît à la cour comme si rien ne s’était passé. Son courage impressionne Versailles.
À plusieurs reprises, Louis XV a souhaité la nommer dame du palais de la reine. Chaque fois, Marie a su l’écarter, arguant de son inconduite notoire et de sa désertion du domicile conjugal : « Sa Majesté peut ordonner
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