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Marie

Marie

Titel: Marie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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donnaient à son visage un air de
fragilité que démentaient ses mains fortes croisées sur son ventre.
    A mon
côté, la vieille Maria murmura :
    — J’adorais
ses cheveux. Aussi soyeux que des cheveux de fille. Bien sûr, ils les lui ont
coupés. C’est incroyable, n’est-ce pas ? cette obsession qu’ils avaient
des cheveux ! Comme les philistins épouvantés par la chevelure de Samson.
    Elle
secoua la tête, souleva son déambulateur pour en frapper le plancher d’un petit
mouvement rageur.
    — Cette
montagne de cheveux qu’il y avait à l’entrée des camps !
    A
nouveau, il ne me restait plus qu’à me taire. Je songeais à me lever et à
partir. A prendre congé avec des images que je ne connaissais que trop bien.
    Sans
doute le devina-t-elle. Elle me lança un regard malicieux.
    — Avant
que vous ne partiez, je veux vous offrir quelque chose.
    S’appuyant
sur son déambulateur, elle se leva. A petits pas précautionneux, elle
s’approcha de l’unique armoire de la pièce. Me tournant le dos, elle fouilla
dans un tiroir et en retira une sorte de tube enveloppé dans un vieux journal
yiddish. J’étais debout derrière elle, elle se retourna à demi, une main
agrippée au support d’aluminium de son déambulateur, l’autre me tendant
l’objet.
    — Prenez.
    — Qu’est-ce
que c’est ?
    Sous le
papier journal déchiré par endroits, je devinais un étui rigide. Je le
dégageai. C’était un cylindre de bois très fin recouvert d’un cuir pareil à une
peau transparente et que le temps avait assombri, durci comme de la corne. Je
n’avais vu ce genre d’objets que derrière les vitrines des musées, mais je
pouvais le reconnaître. Il s’agissait d’un de ces tubes avec lesquels, il y a
plus de deux mille ans et jusqu’au Moyen Age, on protégeait les écrits de
quelque importance, lettres, déclarations officielles et administratives, et
même les livres.
    — Mais
c’est précieux ! m’exclamai-je, ahuri. Je ne peux pas…
    Elle
balaya ma protestation en fermant les yeux.
    — Vous
lirez.
    — Je
ne peux pas emporter une chose aussi précieuse ! Vous devez…
    — Tout
y est. Vous reconnaîtrez la parole de celle que l’on a pas beaucoup écoutée en
son temps.
    — Marie ?
Miryem de Nazareth ?
    — Vous
lirez, répéta-t-elle en se dirigeant vers la porte à petites secousses de son
déambulateur, me congédiant cette fois sans réplique.
    *
    * *
    Le
journal qui protégeait l’étui se défit de lui-même, brûlé par le temps. Il me
fallut batailler un peu pour retirer le capuchon. Le bois et le cuir trop sec
menaçaient d’éclater sous mes doigts tremblants.
    A
l’intérieur, je trouvai une bande de parchemin enroulée sur elle-même, mais que
l’on avait soigneusement protégée à l’aide d’une feuille de papier cristal.
    Le
parchemin, déjà effrité sur les bords, collait à la pulpe de mes doigts dès que
je le touchais. Je le déroulai sur le lit de l’hôtel, millimètre par
millimètre, craignant à chaque instant de le voir se désagréger.
    Le
parchemin avait été malencontreusement plié. Des fragments de texte s’étaient
détachés à l’endroit des pliures. Des taches d’humidité s’étaient mêlées à
l’encre d’un brun passé. Par places, elles absorbaient les lignes d’une
écriture petite et régulière. A première vue, je crus reconnaître l’alphabet
cyrillique. Ce n’était qu’une illusion d’ignorant.
    A ma
surprise, à mesure que je déroulais le parchemin apparurent des feuillets de
papier à petits carreaux. Eux aussi, le temps les avait jaunis, mais ils
n’étaient vieux que de quelques décennies. Cette fois, je reconnus aussitôt la
langue utilisée : le yiddish.
    Je
m’assis au bord du lit pour les lire. Dès les premiers paragraphes, mes yeux
s’embuèrent, refusèrent d’aller plus loin.
    Je me
levai pour vider dans un verre les menues bouteilles de vodka du bar de la
chambre. Un alcool médiocre qui me brûla la gorge et que je laissai agir
jusqu’à ce que mon pouls cesse de battre la chamade.
    *
    * *
    27
janvier, l’an 5703 après la création du monde par l’Éternel, béni soit-Il.
    « Toi,
Toi, saint, dont le trône est entouré des louanges d’Israël, c’est à Toi que se
sont confiés nos pères. Ils ont cru en Toi et Tu les as délivrés. Pourquoi pas
nous ? Pourquoi pas nous, Seigneur ? »
    Je
m’appelle Abraham Prochownik. Je vis dans une cave de la rue Kanonia depuis des
mois.

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