Marie
était une preuve de
l’existence de Jésus, dont les peuples païens doutaient encore. Cyrille
traduisit le texte en plusieurs langues : l’ajar, qui était pratiqué dans
les montagnes, le géorgien, avec l’alphabet phénicien, et le slavon.
Mon père,
Yakob, fils de Salomon, devint un grand professeur de langues anciennes à cause
de cette histoire. Le plus connu et le plus respecté des universités de Vienne,
de Moscou, de Budapest et de Varsovie, où il a enseigné. Il y était encore
lorsque les Allemands sont entrés en Pologne.
C’est lui
qui reconnut la langue du rouleau transmis par notre ancêtre Abraham. C’est de
l’ajar. Qu’on ne perde pas son temps à aller chercher une autre langue.
Mon père
aurait pu se rendre incroyablement célèbre en faisant connaître ce rouleau.
Pourquoi ne l’a-t-il pas fait ?
La seule
fois où je lui posai la question, il me répondit qu’il n’avait pas besoin
d’être célèbre. Plus tard, il ajouta que ce que contenait le texte pouvait
engendrer une dispute inutile. « Il y a bien assez d’affrontements dans ce
monde sans en rajouter. Surtout pour nous, en ce moment. » C’était il y a
sept ans, alors qu’Hitler ameutait déjà les foules. Mon père a toujours été un
homme d’une grande lucidité. C’est pourquoi il n’a pas non plus laissé de
traduction du rouleau, alors qu’il est le seul à l’avoir lu parmi nous.
Quant à ce
qu’il est advenu du rouleau d’origine, celui rapporté par Hélène de Jérusalem,
nul ne le sait. Détruit dans le sac de Byzance, supposait mon père.
Varsovie,
2 février, l’an 5703 après la Création du monde par l’Éternel, béni soit-Il.
L’organisation
des combattants juifs nous pousse à la résistance. Maria, que les anges du Ciel
la protègent, m’a apporté leur tract en yiddish : « Juifs !
L’occupant accélère notre extermination. N’allez pas passivement à la
mort ! Défendez-vous ! Prenez la hache, la barre de fer, le
couteau ! Barricadez vos maisons pour sauver vos enfants, mais que les
hommes adultes luttent par tous les moyens ! »
Ils ont
raison. Il faut se battre. Mais avec quoi ? Nous manquons de tout. Même
des haches et des barres de fer dont parle le tract, nous n’en avons plus !
Les munitions et les armes, il ne faut même pas y songer…
De grâce,
O Eternel ! fais que nos persécuteurs soient châtiés, que ceux qui nous
font périr finissent en enfer ! Amen.
Varsovie,
17 février. L’an 5703 après la Création par l’Éternel, béni soit-Il.
Maria est
venue à nouveau, alors qu’il est dangereux et difficile de se déplacer. Elle
m’a apporté deux morceaux de sucre, quatre noix et sept pommes de terre qu’elle
a trouvés je ne sais comment. Que Dieu Tout-Puissant la bénisse ! Qu’il la
garde en Sa protection.
Hier, les
Allemands ont vidé l’hôpital après avoir fusillé les malades qui ne tenaient
pas debout et traîné les autres dans la neige jusqu’à Umschlagplatz, d’où ils
les ont expédiés à Auschwitz.
Nous avons
combattu et résisté comme nul ne l’avait fait avant nous. Par le verbe que
l’Éternel nous a donné pour qu’il pénètre le cœur de nos bourreaux ; par
le témoignage qui, si telle est la volonté du Seigneur, Tsabaoth, préservera
notre souffle parmi les nations. Et maintenant — Saint, Saint, Saint est
Ton nom ! – il ne nous reste que la mort à opposer à ceux qui
portent la mort, afin que Ton nom, Seigneur, et le nom de Ton peuple soient
glorifiés à jamais ! Amen.
Demain, je
ne serai plus là. Le rouleau de l’Évangile de Marie, que les Prochownik se sont
transmis de génération en génération durant plus d’un millénaire, est à présent
entre les mains de Maria. Elle est libre d’en faire ce qu’elle veut. Nul ne
peut avoir de meilleur jugement qu’elle.
C’est
grâce à elle, Juste parmi les Justes, que demeurera le nom des Prochownik.
Amen.
Évangile de Marie
« Moi,
Miryem de Nazareth, Marie selon mon nom en langue de Rome, fille de Joachim et
d’Anne, je m’adresse à Mariamne de Magdala, Marie selon son nom en langue
romaine, fille de Rachel.
Au
commencement la parole, Dieu est parole, Dieu, parole qui engendre la parole.
Au
commencement, sans elle rien n’a été de ce qui fut. Parole, la lumière des
hommes, sans aucune obscurité.
La parole
du commencement, la nuit jamais ne la saisit.
« Je
m’adresse à Mariamne de Magdala, ma sœur par le cœur, la
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