Marie
renards : par surprise, vite, et en
fuyant plus vite encore !
Toute
colère passée, il riait tel un enfant, enchanté d’imaginer le tour qu’il allait
jouer aux mercenaires de la garnison de Tarichée.
— Décrocher
les suppliciés de Tarichée ! Par le Tout-Puissant, si jamais Il existe, cela
va faire du bruit. Hérode bouffera sa barbe et ça bardera chez les
mercenaires !
Ils
riaient tous, imaginant déjà ce succès.
Miryem
s’inquiéta. Ne sera-t-il pas trop tard ? Avant d’être lié sur la croix,
son père avait tout le temps d’être battu, blessé, et même tué. Il arrivait
souvent que les suppliciés soient suspendus déjà morts sur la croix.
— Ça
n’arrive qu’aux plus chanceux. A ceux à qui on a fait une grâce afin qu’ils ne
souffrent pas trop longtemps, assura Barabbas. Ton père, ils voudront le voir
souffrir le plus longtemps possible. Mais il tiendra bon. Ils le frapperont,
l’insulteront, le laisseront crever de soif et de faim, c’est sûr. Mais il
saura serrer les dents. Et nous, nous le descendrons de sa croix dès la
première nuit.
Barabbas
se tourna vers ses compagnons et les prévint de ce qui les attendait :
— Délivrer
des crucifiés, ils ne vont pas aimer. Les mercenaires ne nous laisseront plus
en paix. Nous ne pourrons pas revenir ici, la cache ne sera plus assez sûre et,
de toute façon, nous ne pourrons plus entrer dans la ville. Après le coup, il
faudra nous séparer pendant quelques mois. Il faudra vivre sur nos richesses…
L’un des
plus âgés l’interrompit en levant son poignard.
— Ne
gâche pas ta salive, Barabbas ! On sait ce qui nous attend. Et c’est du
bien : tout ce qui fait du mal à Hérode nous fait du bien !
Des vivats
retentirent. En un instant l’ancienne piscine d’Hérode s’anima d’une intense
activité, tandis que Barabbas lançait encore des ordres et que chacun se
préparait au départ.
Abdias
tira Barabbas par la manche, impatient.
— Faut
que j’aille prévenir les autres. On fiche le camp sans vous attendre, comme
d’habitude, pas vrai ?
— Pas
avant de nous avoir amené les mules et les ânes. Nous aurons besoin des
charrettes.
Abdias
approuva de la tête. Il s’éloigna, pivota sur lui-même après quelques pas et
désigna Miryem. Souriant de toutes ses mauvaises dents, il déclara :
— Je
disais vrai tout à l’heure, tu sais. Même si t’avais pas voulu, moi, je serais
allé avec elle.
— Tu
m’aurais obéi ou je t’aurais salé les côtes, rigola Barabbas en le menaçant du
doigt.
— Eh !
tu oublies que celui qui a eu l’idée pour sauver son père, c’est moi, pas toi.
Maintenant, t’es plus mon chef. On est associés.
La fierté
éclaira son étrange visage, lui donnant une fugace beauté d’homme-enfant. D’une
voix pleine de gouaille, il ajouta :
— Et
tu verras, c’est pas toi qu’elle va aimer, Miryem de Nazareth, c’est moi !
Alors
qu’il filait, son rire résonnant entre les murs ruinés des thermes, Miryem, du
coin de l’œil, remarqua que Barabbas rougissait.
À la nuit
tombée, une caravane, aussi banale que celles qui circulaient sur les routes de
Galilée les jours des grands marchés de Capharnaüm, Tarichée, Jérusalem ou
Césarée, quitta Sepphoris.
Tirées par
des bêtes d’apparence aussi miséreuse que leurs propriétaires, une dizaine de
charrettes transportaient des ballots de laine, de chanvre, des peaux de mouton
et des sacs de grain. Chacune possédait un astucieux double fond où Barabbas et
ses compagnons avaient dissimulé une belle collection d’épées, de dagues, de
haches de combat, et même quelques lances romaines subtilisées dans des
entrepôts.
3.
Entouré
d’une douzaine de ses semblables, le petit bateau de pêche se balançait sur la
houle ténue du lac de Génézareth. Les voiles rouges et bleues avaient été
affalées. Depuis le matin, à deux lieues du rivage, les pêcheurs lançaient
leurs filets, comme en un jour ordinaire. Chaque barque cependant emportait
quatre des compagnons de Barabbas, prêts au combat. Pour l’heure, ils prenaient
plaisir à aider les pêcheurs.
Recroquevillée
sur les planches grossières d’un fond de poupe, Miryem mesurait avec impatience
la lente descente du soleil au-dessus de Tarichée. Là-bas, au-delà de
l’horrible forêt de pieux qui jouxtait la forteresse, son père souffrait,
ignorant qu’elle était si près de lui. Ignorant que, la nuit venue et si
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