Marie
As-tu remarqué qu’il n’a pas
paru me reconnaître. Lui qui est venu tant de fois à Magdala…
— Ne
lui en veux pas. Ce soir il te verra…
En
quelques mots, Miryem raconta comment vivaient les frères esséniens, comment
ils soignaient et comment la survie de la vieille femme, ces dernières
semaines, avait passé pour un miracle, attirant une foule de désespérés à Beth
Zabdaï.
— Ces
pauvres gens veulent croire que Joseph possède le don de la résurrection. À
cette seule pensée, ils perdent la raison.
Mariamne
avait retrouvé son sourire moqueur.
— Ce
qui est bien étrange et contradictoire si l’on y songe, fit-elle. Aucun n’aime
la vie qu’il mène, et pourtant tous espèrent que, grâce au miracle de la
résurrection, ils vivront éternellement.
— Tu
te trompes, objecta Miryem avec assurance. Ce qu’ils espèrent, c’est un signe
de Dieu. L’assurance que le Tout-Puissant est à leur côté. Et qu’B le restera
après leur mort. Ne sommes-nous pas tous ainsi ? Hélas, Joseph ne possède
pas le don de résurrection. Il n’a pu sauver Abdias.
Mariamne
hocha la tête :
— Je
sais qu’il est mort. Rekab nous l’a dit à son retour. Des questions
subsistaient pourtant, que Mariamne brûlait de poser, sans l’oser. Miryem ne
céda pas aux requêtes silencieuses de sa compagne.
Sans doute
Rekab avait-il évoqué son état et les attentions qu’avait déployées Joseph
d’Arimathie pour la maintenir saine d’esprit. Mais elle n’avait pas envie d’en
parler à Mariamne. Pas encore. Mariamne et elle ne s’étaient pas entretenues
depuis des mois. Bien des événements étaient advenus, qui les rendaient un peu
étrangères l’une à l’autre, comme en témoignaient si bien ces cheveux courts
qui désespéraient Mariamne.
Cependant
Miryem ne voulait pas peiner sa jeune amie.
— Tu
es plus belle que jamais. À croire que le Tout-Puissant t’a accordé toute la
beauté qu’il pouvait réunir chez une femme !
Mariamne
rougit. Elle agrippa les mains de Miryem pour lui baiser les doigts, en un
geste de tendresse qui lui était familier à Magdala. Ici, dans la maison de
Beth Zabdaï, il parut à Miryem excessif. Toutefois, elle ne laissa rien
paraître. Elle devait se réhabituer aux enthousiasmes légers de la fille de
Rachel.
— Tu
m’as manqué, murmurait Mariamne. Beaucoup, beaucoup ! Chaque jour j’ai eu
une pensée pour toi. J’étais inquiète. Mais ma mère a refusé que je vienne près
de toi. Tu sais comment elle est. Elle m’a assuré que tu étais en train
d’apprendre à soigner auprès de Joseph d’Arimathie et qu’il ne fallait pas te
déranger.
— Rachel
a toujours raison. C’est en effet ce que j’ai fait.
— Bien
sûr qu’elle a toujours raison. Ce qui est horripilant. Elle m’avait assuré que
j’aimerais étudier la langue grecque. Croiras-tu que je la pratique aujourd’hui
mieux qu’elle ? Et que j’y prends un immense plaisir ?
Elles
rirent toutes les deux. Puis le rire de Mariamne se brisa bizarrement. Elle eut
une brève hésitation, son regard glissa vers la cuisine, vers Rekab et Ruth qui
les observaient, et revint à Miryem.
— Si
ma mère m’a permis de venir jusqu’ici aujourd’hui, c’est pour t’apporter une
mauvaise nouvelle.
Des plis
de sa tunique, elle tira un court rouleau de cuir dans lequel on transportait
les lettres. Elle le tendit à Miryem.
— C’est
de ton père, Joachim.
*
* *
Le ventre
noué Miryem retira le rouleau de papyrus de l’étui. Les lignes d’écriture se
cognaient les unes aux autres, dessinant une masse compacte de signes. L’encre
brune, ici et là bue plus avidement par le papyrus, recouvrait presque en
totalité la longue feuille, que l’irrégularité des fibres épaississait sur une
moitié.
Miryem
reconnut l’écriture simple de son père. Au moins, songea-t-elle avec un
soulagement hâtif, ce n’était pas à lui qu’il était advenu malheur.
Elle dut
faire un effort pour mieux déchiffrer les mots et les comprendre. Bien vite,
elle sut. Hannah, sa mère, était morte sous les coups d’un mercenaire.
Après
avoir quitté Nazareth, écrivait Joachim, ils avaient vécu en paix dans le nord
de la Judée, où ils s’étaient réfugiés chez la cousine Élichéba et son époux,
le prêtre Zacharias. Le temps passant, le désir de revoir les montagnes de
Galilée était devenu pressant et ne les quittait plus. Et aussi, admettait
Joachim, lui-même ne
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