Marilyn, le dernier secret
star.
Linda Nunez, elle, avait résidé dans ces lieux durant presque quinze ans et se souvenait donc parfaitement de l'aménagement intérieur du dernier domicile de la star. Et plus particulièrement des portes intérieures, ayant passé son adolescence à maugréer contre le manque d'intimité qu'elles impliquaient. Devant Tony Plant, la fille du premier acquéreur de la propriété de Marilyn était catégorique : les portes des chambres, y compris celle de l'actrice, étaient de vieux modèles de style hispanique qui, s'ils étaient équipés de serrures à l'ancienne, ne disposaient d'aucune clé pour les condamner.
Sans clé, la porte aurait donc dû s'ouvrir sous l'action de l'assistante.
Le récit de la découverte du corps s'écroulait d'un coup comme un pathétique château de cartes. Ce qui signifiait qu'Eunice Murray et le Dr Ralph Greenson avaient menti.
Restait maintenant à découvrir pourquoi.
94. Perception
Cette avancée décisive me permettait d'éclaircir un point de la version de Murray et Greenson qui m'avait toujours chagriné.
L'assistante à domicile et le médecin avaient toujours affirmé avoir vu le corps sans vie de Marilyn depuis la cour de la villa. Greenson avait même déclaré être persuadé que l'actrice était décédée avant d'avoir mis un pied dans la chambre, parce que sa position sur le lit, découverte à travers la fenêtre, ne laissait aucun espoir.
Or je ne comprenais pas comment Monroe, victime de graves crises d'insomnie, aurait pu espérer parvenir à dormir sans avoir tiré ses épais rideaux, les volets étant une commodité plutôt rare aux États-Unis. Si Murray et Greenson proclamaient l'avoir vue, cela signifiait que rien n'empêchait qu'ils la voient. Certes, on pouvait les imaginer se contorsionnant un peu afin de jeter un regard depuis les côtés des rideaux, mais le témoignage du fidèle Ralph Roberts allait dans un autre sens. Après avoir posé un double et épais tissu noir dans l'ex-appartement de la star, il avait installé le même élément de décoration 12305 Helena Drive.
Une tenture qui, nous l'avons vu, couvrait la fenêtre ainsi que l'ensemble du mur, de quoi rendre impossible la version de Murray et Greenson.
*
L'autre conséquence de cette avancée, c'était de modifier radicalement la perception des circonstances entourant la mort de Marilyn.
Toute enquête policière se voit orientée par la première impression des enquêteurs. Si ce réflexe, aussi psychologique qu'intellectuel, a parfois du bon, il peut être, a contrario , à l'origine de conséquences tragiques dans la recherche de vérité. Ce qui est le cas pour la mort de Marilyn.
Ainsi que nous l'avons décrit précédemment, la campagne de destruction orchestrée par la Fox et le parcours de la comédienne avaient servi de terreau idéal pour orienter les enquêteurs vers l'idée de suicide. Une perception renforcée par une série d'éléments directement liés au décès. Dès le premier appel au LAPD, la mort ayant été présentée par le Dr Engelberg comme un suicide, c'est dans cet état d'esprit que Clemmons avait rejoint le domicile de Marilyn. Comme, sur place, un second médecin, le Dr Greenson en l'occurrence, confirma la nature du décès et, ajoutant le geste à la parole, désigna la table de chevet surchargée de tubes et comprimés, croire à autre chose relevait de la suspicion irrationnelle. Surtout quand l'idée du suicide fut ensuite corroborée par le récit de Murray, avec l'évocation des bris de verre et de la porte fermée.
Ces éléments, à travers le Mortuary Death Report, ont été par la suite communiqués au Dr Noguchi afin qu'il commence l'autopsie. Laquelle fut entreprise dans cette optique. Quelque temps plus tard, lorsque la Suicide Prevention Team rend un rapport classant définitivement le décès de la star dans cette catégorie, on y découvre la série des éléments ayant conduit à cette conclusion. Dont la fameuse porte fermée à double tour. Pour les médecins réunis autour de Curphey, cet enfermement confirmait le désir de la star de mettre fin à ses jours.
*
Longtemps, l'invention de Murray et Greenson m'a perturbé.
Pourquoi avaient-ils éprouvé le besoin d'inventer cet épisode ? Pourquoi le médecin et l'assistante avaient-ils poussé la fable jusqu'à la mettre en scène, brisant une vitre de la chambre afin de justifier l'acte héroïque du médecin ?
Car, après tout, l'histoire de la découverte du
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