Marilyn, le dernier secret
d'échecs où les véritables acteurs appartenaient à la direction du studio ?
1 -
New York Times , 13 décembre 1990.
2 -
Marilyn, The Last Take, op . cit .
34. Tri
Affirmons-le d'emblée : George Cukor n'avait pas mis en scène la chute de Marilyn Monroe. S'il y avait activement contribué, le machiavélisme de la manipulation avait été mis au point et orchestré par la Fox.
*
Les six heures conservées dans les profondeurs du Kansas avaient montré que le réalisateur mentait sur l'état de la star. Or cette carte, il convenait de s'en souvenir, il n'avait pas été le seul à la jouer.
Ainsi, les spécialistes ès communication de la Fox avaient, dès le mois de mai 1962, fait courir des rumeurs dénonçant la santé psychologique de l'actrice. Où il était question de soirées arrosées, de dépendance aux barbituriques et d'une accumulation de prestations catastrophiques.
La première explication logique était de penser que le studio, manipulé par les rapports faussement alarmistes fournis par Cukor, l'avait cru sans vérifier quoi que ce soit. L'ennui, c'est que cette hypothèse ne tenait pas à l'analyse des faits.
D'abord parce que, comme le confirmait le monteur David Bretherton, un collage des scènes filmées était envoyé chaque jour au studio désireux de suivre les progrès du film. À l'époque, il faut s'en souvenir, la sortie de Something's Got to Give avait été annoncée par la Fox elle-même pour l'hiver suivant. Donc, personne ne pouvait croire que Monroe déclinait.
Ensuite, les souvenirs de Darryl Zanuck, légende de la 20th Century Fox, apportaient de l'eau au moulin du complot savamment construit sur un mensonge. Si, à l'époque, le nabab exilé à Paris n'était plus directement à la tête du studio, il avait quand même été invité, mi-mai, à une projection des premières images du film. Et Zanuck, pourtant peu fan de la star, avait reconnu les signes d'un futur succès : « Ce film va faire un carton au box-office. Marilyn y est adorable [1] . »
La direction de la Fox ayant accès aux rushes, difficile dès lors de trouver des circonstances atténuantes à ses premières attaques contre l'actrice. Un mensonge qui amenait à revisiter d'un œil fort critique le reste de ses affirmations postérieures au renvoi de Marilyn.
*
Un tri rapide à vrai dire : tout était faux.
L'usine à rêves avait viré à la fabrique de cauchemars. En machine à broyer inventant des témoignages, des déclarations, des souvenirs de tournage dans le seul but de détruire une femme.
Mais par où débuter pour montrer combien cette campagne reposait sur une succession de mensonges et de falsifications ? Commençons par la charge médiatique insensée de Lee Remick, proférée au lendemain de l'annonce qu'elle remplacerait Marilyn. Eh bien l'actrice n'avait jamais, tenu de tels propos ! Ce qu'elle confia en 1992, expliquant que son implication dans le projet maudit avait duré « une vingtaine de minutes », que « l'expérience avait été déplaisante » et qu'« il était évident que tout cela avait été organisé pour le bénéfice de la presse [2] .
En fait, Lee Remick, devant également un film à la Fox, s'était simplement rendue à un rendez-vous avec la direction. Jamais, elle n'avait donné d'interview s'attaquant à une consœur ; jamais, sommet du ridicule, elle n'avait vanté une vertu industrielle à la profession !
L'épisode Remick n'avait pas été la seule supercherie. Ainsi, la publicité parue dans Variety et prétendument signée par les techniciens de Something's Got to Give était simplement une manipulation montée par les publicitaires chargés d'anéantir Marilyn. Objectifs : démontrer au public que les caprices de la star avaient des conséquences dramatiques sur des centaines de familles et développer chez l'actrice un sentiment de culpabilité.
Le but avait été quasiment atteint, puisque Marilyn Monroe, visiblement ébranlée par cette charge d'un groupe dont elle se croyait proche, avait pris la peine d'envoyer un télégramme à chaque membre de l'équipe pour expliquer qu'elle n'était pas responsable de l'arrêt du film.
En 1992, les auteurs de Marilyn, The Last Take ont pu interroger par téléphone les membres de l'équipe encore en vie. Tous ont confirmé la version défendue par Buck Hall, l'un des assistants de George Cukor, disant en substance : « Cette publicité est venue d'autre part. Pas des techniciens [3]
Weitere Kostenlose Bücher