Marilyn, le dernier secret
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Mais l'immonde catalogue des tromperies, dirigé par Harry Brand et Perry Lieber, ne s'arrêtait pas là. Comme nous l'avons vu, le vendredi 15 juin, les médias américains recevaient un dossier de presse reproduisant les propos de George Cukor et Henry Weinstein tenus lors d'une conférence de presse. Un matériel suffisamment riche pour être sûr qu'il alimenterait les gros titres des éditions du week-end.
Souvenons-nous : le réalisateur revenait sur l'incapacité de Monroe à enchaîner son texte, évoquait à nouveau un résultat si mauvais que la seule solution consistait pour lui à coller ensemble des pièces sonores comme d'autres assemblent un puzzle improbable. De son côté, Weinstein se montrait encore plus véhément, puisqu'il parlait de comportement irresponsable, d'absences non justifiées, de manque de courtoisie et levait le spectre des maladies imaginaires invoquées par Marilyn pour expliquer les journées loin du plateau. À l'en croire, Monroe passait trop de temps dans les clubs de Vegas et ne pouvait pas assumer sa charge de travail. C'était lui aussi qui proclamait la fermeté d'un studio déterminé à s'élever contre des caprices auxquels il avait cédé trop longtemps. Condamner Marilyn, tonnait-il, c'était tout simplement sauver Hollywood.
En somme, des formules sans ambiguïté, bien calibrées, destinées à faire les choux gras de la presse.
Le problème, c'est que la conférence de presse n'avait jamais eu lieu !
À part ce kit écrit fourni par la Fox, il n'en existe aucun document photographique, aucun film ni enregistrement audio. Pis, aucun témoin ! Quant aux deux principaux protagonistes censés y avoir participé, ils n'étaient même pas à Los Angeles au moment où la rencontre médiatique se serait tenue. Ainsi, George Cukor avait-il déjà quitté la ville pour un week-end prolongé [4] .
Et Henry Weinstein a assuré à Henry Schipper que non seulement il n'avait jamais pris part à la campagne de déstabilisation, mais que, de plus, ce point presse n'avait aucune raison d'être à ses yeux, lui-même ayant été congédié en même temps que la star de Something's Got to Give et ayant déjà rejoint la Warner Bros. En somme, au moment où il était censé attaquer Marilyn devant un parterre de journalistes invisibles, Weinstein travaillait déjà pour un studio concurrent. Pourquoi aurait-il aidé ceux qui venaient de le licencier ?
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Aussi fou que cela puisse paraître, ces mensonges éhontés, ces falsifications impensables, constituaient seulement le hors-d'œuvre de la manipulation. Et le plat de résistance de la chronique de cet assassinat médiatique servait plutôt, lui, une brochette de contrevérités relatives à la santé de Marilyn.
1 -
Marilyn, The Last Take, op. cit.
2 -
Marilyn, The Last Take, op. cit.
3 -
Ibid.
4 -
Marilyn, The Last Take, op. cit.
35. Malade
Joan Greenson, fille du psychiatre de Marilyn, se souvenait parfaitement du printemps 1962. Et pour cause ! L'adolescente venait d'avoir dix-huit ans et, à l'époque, elle avait eu la surprise de voir souvent l'actrice. Celle-ci, pour suivre les méthodes peu orthodoxes de son père, s'était en effet intégrée à la vie de famille du médecin. Dès lors, elle avait été un témoin privilégié des derniers mois de la star !
Et, plus particulièrement, une parfaite observatrice de son état durant le tournage de Something's Got to Give . « Monroe souffrait fréquemment de fortes fièvres, raconta-t-elle. La plupart du temps, elle était même incapable de parler. Et malgré cela, tout le monde croyait que Marilyn était une star capricieuse et qu'elle utilisait tout ce temps libre pour faire la fête [1] . »
Un récit qui ne cadre en rien avec les prétendues agapes et la vie de bâton de chaise prêtée à la vedette.
Selon Joan, l'existence de la comédienne était en vérité bien plus triste : « Elle n'allait nulle part et ne faisait rien. Elle était chez elle, malade, à se sentir misérable et regrettant de ne pas pouvoir être sur le plateau de tournage [2] . »
Peut-être la mémoire de Joan Greenson avait-elle passé cette période au tamis idyllique du temps ? Peut-être même, par fidélité envers une actrice qu'elle avait considérée parfois comme une grande sœur, ne faisait-elle que défendre l'honneur de Monroe ? Certes, les doutes semblaient plausibles. Mais si son récit traduisait la vérité, la fille du médecin de la star
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