Marilyn, le dernier secret
légende a dû peser dans la balance. Et que c'est seulement la perspective de gagner plus tard sur cet autre tableau qui a sauvé le trentième long-métrage de Marilyn de la destruction pure, simple et complète.
Ce qui n'a rien de choquant à Hollywood, où le dollar est le seul vrai roi.
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Interrogé par le New York Times en décembre 1990, Henry Weinstein, le producteur exécutif de Something's Got to Give , reconnut que « Marilyn avait été un petit pion sur un échiquier bien plus grand. Un pion manipulé par le studio [1] .
Un aveu à double titre intéressant. Non seulement un ponte de la Fox admettait que Monroe avait été victime d'un engrenage et d'une situation qu'elle ne contrôlait pas – et qui, comme nous le verrons, ne la concernait en rien – mais en plus évoquait une machination bien plus vaste.
Car l'article employé par Weinstein dans sa déclaration valait révélation : il n'avait pas expliqué que Monroe était le pion, mais un pion. Sous-entendant ainsi qu'il en existait d'autres. Peut-être pensait-il à lui, ayant été, dans ce jeu de miroirs, manipulé lui aussi par la Fox ? Où peut-être songeait-il alors à George Cukor en personne ?
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Il ne fait aucun doute aujourd'hui que George Cukor a tout entrepris pour saborder un film que le studio avait eu l'outrecuidance de lui imposer.
Sachant que la 20th Century Fox luttait contre de graves difficultés liées au gouffre financier de Cléopâtre , le réalisateur avait d'abord tenté d'inciter à des dépenses excessives. Histoire de faire flancher contrôleurs de gestion et autres comptables. Ainsi, il avait exigé que le décor reprenne dans ses moindres détails les particularités architecturales de sa propre villa hollywoodienne. Et si, d'ordinaire, les décors cultivent l'illusion, Cukor avait ordonné cette fois qu'ils soient fonctionnels. Un peu comme si, au lieu de bâtir du carton-pâte, les techniciens avaient élevé une véritable maison avec piscine.
Constatant que cette exigence n'avait pas refroidi la Fox, il avait opté pour une autre tactique. Alors que le début du tournage avait été annoncé et les contrats des comédiens signés, Cukor avait usé d'une autre prérogative : contester le scénario. Puisqu'un bout de papier l'obligeait à tourner le film, mais que le même document lui réservait le droit d'approuver ou pas l'histoire et, en cas de désaccord, de demander une refonte complète, il ne pouvait laisser passer pareille aubaine. Pour faire mettre un genou à terre à la Fox, il multiplia les arguties et les refus, ce qui reporta d'autant l'instant du premier clap et plaça le studio dans une position délicate puisque, en période d'écriture, la Fox devait payer ses stars même si leur seule activité consistait à patienter.
Autre méthode destinée à dégoûter l'adversaire, l'excès de zèle, en somme, de lenteur. Alors que Cukor était réputé pour sa dextérité à enchaîner les scènes, se contentant d'une poignée de prises par séquence, qualité qui lui avait permis de venir au bout du tournage de Let's Make Love dans les délais, cette fois il prenait son temps. Tout son temps. Plus que son temps même. En plus de l'obligation de multiplier les prises, il avançait à un rythme de tortue !
Ainsi, une simple scène de rencontre autour de la piscine se vit inscrite au programme du tournage entre le 30 avril et le 21 mai ! Evelyn Moriarity, doublure lumière de la Blonde, n'en revenait d'ailleurs pas : « Cukor a eu besoin de deux semaines pour filmer l'arrivée de Marilyn, déclara-t-elle. Cela ne représentait même pas une page du scénario [2] . »
Aujourd'hui, grâce aux bandes inédites de Something's Got to Give , il est possible d'estimer que si Cukor avait suivi son rythme habituel, option d'autant plus plausible que Marilyn n'était en rien un frein à l'avancement du tournage, le film aurait pu être achevé dans les délais. Évitant ainsi le renvoi de la star, une campagne médiatique assassine et, en bout de course, peut-être, la disparition de l'actrice.
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Dès lors les questions se multipliaient. Cukor avait-il chargé Marilyn pour camoufler ses propres difficultés ? Où l'avait-il métamorphosée en bouc émissaire afin de dissimuler la guerre secrète qu'il menait contre la Fox ?
Ou encore, comme l'avait peut-être sous-entendu Henry Weinstein, le réalisateur n'avait-il été qu'un pion à son tour ? Une simple pièce d'une partie
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