Marilyn, le dernier secret
d'Anthony Summers, son documentaire, puis la publication de l'ouvrage de Don Wolfe, nous avions cessé de remettre en cause la réalité de cette triple relation. Elle était désormais perçue comme une réalité historique et ne s'embarrassait pas du fait que nous n'avions pas atteint cette certitude sans hésitation. La version présentée par Summers, Wolfe et d'autres était en fait l'assemblage brillant et habile de témoignages et de révélations égrenés au fil des ans depuis la mort de l'actrice. Une accumulation dans laquelle peu de tri avait été fait.
A priori, même si cela pouvait ressembler à un effort vain, je n'envisageais pas les choses autrement : je devais me résoudre à sélectionner les points vraisemblables et étayés pour écarter les autres. Avant d'embrasser l'idée de Kennedy portant une part de responsabilité dans la mort de Marilyn, ou de renvoyer ce concept dans les poubelles de l'Histoire, je devais me forger une opinion solide quant à la véracité de cette relation. Et seulement ensuite, il me serait possible de répondre au deuxième point : Robert Kennedy se trouvait-il chez Marilyn Monroe le 4 août 1962 ?
57. Manège
À en croire certains éléments divulgués par ceux qui accusent les Kennedy, le rempart protégeant Bobby avait commencé à s'effriter dès le 3 août 1962. Et, sans surprise, ce premier assaut avait été entrepris par une ennemie intime de Marilyn.
Son nom ? Dorothy Kilgallen. Une peste qui, depuis plus de dix ans, pavait de formules assassines sa rubrique d'indiscrétions et de ragots consacrés aux nuits hollywoodiennes. Des saillies qui, régulièrement, visaient la Blonde.
*
Le conflit opposant l'actrice et la chroniqueuse avait débuté en 1953 lors de la révélation de l'existence d'un calendrier où Monroe posait nue. Choquée, Kilgallen avait fait partie de ceux qui conseillaient à la Fox de se séparer de l'actrice. Sans des milliers de lettres de soutien envoyées par des fans conquis, la carrière de Monroe aurait pu s'arrêter là. Depuis, la star considérait la journaliste comme une « salope ». Qui, ainsi qu'elle l'avait confié à Truman Capote, se rangeait en outre dans la catégorie des alcooliques mondaines [1] .
Quoi qu'il en soit, le 3 août, toujours habile à manier le sous-entendu, Kilgallen lâcha sa bombe dans le New York Journal American, avançant, sans donner de nom, que Marilyn s'était « montrée irrésistible aux yeux d'un beau monsieur dont le nom est plus important que celui de Joe Di Maggio [2] . »
Certes, il était difficile de décoder qu'il s'agissait de Bobby Kennedy dans ses phrases sibyllines, mais c'était bien lui le « beau monsieur » visé. D'ailleurs, deux jours avant la parution, la journaliste affirmait avoir contacté le département de la Justice afin d'obtenir – en vain – une réaction officielle quant à la prétendue relation Bobby-Marilyn.
Personnellement, n'ayant pas réussi à trouver une preuve de cette tentative de confirmation téléphonique, j'en étais réduit, à ce stade de mon enquête, à prendre pour argent comptant la version avancée par la littérature conspirationniste. Donc à accorder un certain crédit à ces lignes fielleuses qui me paraissaient en vérité plutôt insignifiantes. Bref, je continue à penser que Kilgallen visait précisément Bobby Kennedy dans cet écho.
Pourquoi ? Parce que, sur ce sujet, la journaliste partageait, comme nous le verrons, une source commune avec un autre chroniqueur allant dans le même sens.
*
Les phrases codées de Dorothy Kilgallen étaient capitales. Non pour leur contenu, mais parce qu'elles seules, du vivant des deux protagonistes, avaient osé évoquer une relation entre Marilyn et Bobby.
Certes, l'ouvrage de Frank Capell – évoqué au début de ce livre – profère des accusations bien plus précises, mais sa parution date de 1964. À une époque où Marilyn était décédée depuis deux ans et où RFK, encore sous le choc de l'assassinat de son frère, avait perdu le pouvoir dont il jouissait auparavant.
En somme, quelques mots insignifiants et un livret de propagande rédigé par un anticommuniste virulent avaient posé les premières pierres d'une histoire qui allait, au fil des années, prendre des proportions de plus en plus importantes.
Cette réalité m'éberlua. À l'origine de la rumeur jetant la Blonde dans les bras de l'Attorney General, on ne découvrait ni documents explosifs ni
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