Marilyn, le dernier secret
comment ces trois scientifiques étaient parvenus à commettre la même erreur !
La réponse est, si je puis oser cette image, normande.
Car les quatre hommes avaient raison.
La simplicité de la division le prouvait : Marilyn Monroe avait l'équivalent de vingt-quatre comprimés dans le sang. Et oui encore, comme l'avaient établi les médecins du bureau du Coroner, cela signifiait qu'elle avait avalé au moins quarante-sept pilules.
Mais la vérité réside une fois encore dans les détails. Car si les deux affirmations sont exactes, c'est que les quatre médecins ne parlaient pas de la même chose.
Pour que l'équivalent des vingt-quatre comprimés se convertisse en prise du même nombre de pilules, cela impliquait un taux d'absorption de 100 %. Soit une pure impossibilité scientifique, puisque quel que soit le médicament – ou la vitamine – avalé, le produit n'est jamais assimilé en totalité par le sang. Une bonne partie des principes actifs est en effet traitée par les reins, une autre se retrouve dans les intestins, achevant leur course dans l'urine et les selles. Ils n'apparaissent donc pas dans le sang.
N'importe quel dictionnaire de médecine précise d'ailleurs que le principal inconvénient des prescriptions orales réside dans la déperdition des molécules actives, celles-ci étant détruites par les sucs digestifs avant que l'organisme ait pu les absorber.
Abernathy, Noguchi et Curphey avaient appliqué une formule classique évaluant ce taux d'absorption à 50 %. Les 2 400 mg de Nembutal retrouvés chez Marilyn correspondaient bien à vingt-quatre comprimés. Mais pour aboutir à une telle quantité, cela signifiait que l'actrice avait dû en avaler au moins… le double !
*
Quarante-sept…
Pour la première fois, Cozzi avait échoué.
La chute était proche.
Une dernière poussée suffirait.
1 -
Voir annexe 1.
2 -
Ibid.
3 -
Voir annexe 1.
4 -
Ibid .
5 -
In The DD Group, op. cit.
52. Phrase
Aujourd'hui, Thomas Noguchi a quatre-vingts ans.
Sa dernière intervention publique remonte à 2000. Un an après son départ à la retraite, il participait en effet à deux documentaires consacrés au métier de médecin légiste [1] .
Où il détaillait, à destination des téléspectateurs, l'ensemble des étapes d'une autopsie. Sans que celle de Marilyn Monroe soit évoquée.
Aujourd'hui donc, Thomas Noguchi a quatre-vingts ans.
Il réside toujours en Californie et laisse à sa femme le soin de répondre au téléphone. Surtout lorsqu'il s'agit de l'appel d'un inconnu. C'est également elle qui, avec une infinie gentillesse, explique que son mari a désormais passé l'âge de répondre aux requêtes des journalistes. Bien entendu, par courtoisie, elle note la teneur du message, au cas où l'ancien médecin légiste modifierait ses habitudes.
Cela n'a pas été le cas.
Je n'ai pu parler à Thomas Noguchi.
Et je le regrette, car j'ai la vanité de croire qu'il aurait apprécié de voir que – certes avec vingt ans de retard – je venais saisir sa balle au bond.
*
Durant l'été 1986, Thomas Noguchi passa quatre soirées avec le journaliste Douglas Stein. Dans le cadre rassurant de son domicile de Pasadena, le « médecin légiste des stars [2] » avait accepté d'expliquer les secrets de son métier à un représentant du magazine Omni .
Créé en 1978, ce mensuel mélangeait la science-fiction et la science, accordant toutefois une place de choix à ce dernier aspect. Un organe de presse idéal, en somme, pour s'exprimer longuement sur les divers aspects d'un métier aussi complexe qu'essentiel.
L'entretien, paru dans le numéro de novembre, donnait un éclairage sans précédent sur les visions et passions de Noguchi. En plus d'égrener différents détails de son mode opératoire, du lieu du crime à la salle d'autopsie, le légiste revenait sur certains cas intéressants de sa carrière. Si quelques-uns concernaient des anonymes, Noguchi n'hésitait pas à établir l'examen d'une poignée de célébrités. Dont celle qui avait lancé sa carrière : l'autopsie de Marilyn Monroe.
*
Sur ce cas, l'essentiel de la conversation avec Douglas Stein avait tourné autour de l'absence d'une marque de piqûre et de la présence d'un hématome.
Une fois encore, Noguchi avait évoqué son examen à la loupe. Plus intéressant, il se souvenait avoir observé de près l'hématome, à la recherche d'une éventuelle trace indiquant son origine. Et précisait
Weitere Kostenlose Bücher