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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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tiré avec un pèlerinage. Nous autres, les prêtres jureurs, il nous faudrait trois vies pour expier les fautes de l’Eglise et celles de la Révolution en plus des nôtres !  
    Tandis qu’ils descendaient la rue Saint-Gervais, Bernard demanda à sa mère :  
    — Pourquoi ne l’as-tu pas salué ?  
    — Ce n’est pas tant de moi que de Rapinette. Elle dit que c’est l’évêque du diable !  
    — Et que devient son frère Jean ? Il n’a pas été guillotiné ?  
    —  Guilhôtinats, aqueste monde ? Que’t vas pensar, Bernard ? Ils sont trop puissants ! Jean Lafargue a été le grand directeur du département et maintenant c’est lui le maître à la mairie de canton. On dit qu’il prendra la suite de l’étude de son beau-père quand Maître Boissonneau se retirera. Et, pendant ce temps, le troisième frère, Vital cadet, fait prospérer les affaires de la famille. Aquestes son los navèths senhors adara !  
    Les nouveaux seigneurs : c’est ce que pensa Bernard, rue Maubec, quand Jude, devenu corpulent et bien carré dans son pas de porte, répondit à son salut par un signe condescendant de la main.  
    Marchant à côté de Pouriquète qui portait un grand panier d’osier sur la tête, il retrouvait peu à peu les dimensions de la ville, s’habituant aux rues étroites, aux maisons tassées. Il avait l’impression d’un certain délabrement des façades, mais les chalands qui se dirigeaient vers le marché avaient l’air mieux nourris que lors de son départ. On voyait que la récolte de 96 avait été bonne et que les prix baissaient.  
    Au bout de la rue, Boyreau, à croupetons dans une encoignure qui lui servait de boutique, martelait furieusement une semelle.  
    — Ho ! Gavache ! cria Bernard. Salut !  
    L’autre leva un instant des yeux furtifs, puis replongea son nez dans son ouvrage.  
    — Il a été arrêté l’année dernière, au moment de la conspiration, dit Pouriquète. Depuis, il ne parle plus à personne.  
    En traversant les Allées Maubec où les fermiers déchargeaient leurs charrettes, Bernard croisait parfois un ancien garnement de son âge, Arnaud Bayle, le fils du plieur de cordes, Jean Cournaud, le fils du marchand de grains, Pierre Veillât, le fils du chapelier. Ils échangeaient quelques gaillardises amicales, assorties de compliments à l’intention de Pouriquète. Elle leur répondait sur le même ton en riant aux éclats.  
    Bientôt, ils furent seuls dans les jardins entre les hauts plants de tomates et de haricots. Au pied d’un cerisier, Pouriquète posa son panier et se tourna vers Bernard.  
    — Tu me donnes ma fleur de vanille ?  
    Bernard ôta son pendentif. Maculée de sueur et de sang, délavée par l’eau de mer et de pluie, la cocarde avait perdu l’éclat de ses couleurs.  
    — Passe-la-moi autour du cou. Je la découdrai et je te la rendrai.  
    Quand ses mains effleurèrent les cheveux, puis la nuque de Pouriquète, Bernard sentit monter de ses entrailles la grande flamme qu’il avait appris à connaître. Il n’eut qu’un geste à faire pour attirer vers lui le visage offert et trouver les lèvres qui répondirent immédiatement aux siennes. Comme par surprise, une infinie douceur, apaisante et lumineuse, s’empara de lui, calmant ses gestes et lui faisant monter aux yeux des larmes de tendresse. Sous le soleil clair et frais du matin, les odeurs capiteuses du potager s’éveillèrent. En un rêve, il se souvint des mots qu’il avait dits à Pouriquète huit ans plus tôt, quand elle lui demandait ce qu’était la Révolution.  
    —  Un matin d’estiu, avait-il répondu. L’amour aussi, c’était un matin d’été. Pouriquète se dégagea et, les yeux dans les yeux, lui demanda :  
    — Elle était belle ?  
    — Qui ?  
    — La fille qui t’a donné la fleur de vanille.  
    — Oui, très belle.  
    — Tu l’as embrassée ?  
    — Oui.  
    Elle rejeta la tête en arrière et rit.  
    — Si tu m’avais répondu non, jamais je ne t’aurais revu, Hazembat ! Moi aussi, j’ai embrassé Jantet quand il est parti. Tu m’en veux ?  
    — Je ne t’en veux pas, si c’est moi que tu aimes.  
    — C’est toi que j’aime, pecquôt ! Quand je t’ai embrassé, ce n’était pas la même chose !  
    — Non, ce n’était pas la même chose.  
    — Et maintenant, cueillons les tomates, que Castagne nous attend au marché !  
    Le surlendemain, 5 Messidor de l’An 

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