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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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V, Bernard se présenta à la gendarmerie pour y voir son parrain, le brigadier Coutures.  
    Brave homme, mais gueulard et autoritaire, Coutures était depuis longtemps en froid avec la famille de Bernard. On ne se souvenait plus trop des causes de la brouille, mais on ne se parlait plus. Autrefois, Coutures faisait équipage avec le père Hazembat sur l’ Aurore, mais, dès avant la Révolution, Perrot avait dû le transférer sur un autre courau où son mauvais caractère avait moins de conséquences. Il était très à l’aise dans son rôle de gendarme et c’est avec une cordialité sévère qu’il accueillit son filleul.  
    — Tu es en situation irrégulière, dit-il, c’est certain, mais je n’ai pas d’instructions. C’est à la marine de décider. Je vais prendre ta déposition et l’envoyer à Bordeaux. On verra bien ce qu’ils répondront.  
    Cette fois, il fallut tout narrer par le menu : dates d’embarquement, noms des navires, noms des capitaines, escales, combats, tout y passa.  
    — A première vue, dit Coutures, je ne vois rien de pendable. Tu as navigué sous pavillon neutre, ce qui n’est pas un crime, et, quand tu as eu l’âge légal, tu servais à bord d’un corsaire. Le problème, c’est si on te demande de prouver tout ça. Mais je ne crois pas qu’on s’en embarrasse. Si on fait la paix avec l’Angleterre, on n’aura plus tellement besoin de marins.  
    — Tu crois qu’on fera la paix avec l’Angleterre, parrain ?  
    — Ce n’est pas à moi de le dire. Demande plutôt à ton ami le colonel Labat. Avec le coup de torchon qui se prépare, ce sont les militaires qui vont faire la loi, maintenant.  
    Le coup de torchon se produisit juste avant les vendanges et c’est à la mi-septembre qu’on apprit à Langon les événements qui s’étaient déroulés le 18 Fructidor à Paris, ruinant les espoirs des monarchistes. Les effets du coup d’Etat républicain furent peu sensibles. Certains, qui avaient un peu trop laissé percer leurs nostalgies de l’Ancien Régime, montrèrent moins leur nez. Gavache se remit à fréquenter les tavernes, mais il tenait un langage prudent. En revanche, Hardit et ses amis bonapartistes triomphaient bruyamment et quand, un mois plus tard, on sut que la paix avait été signée en Italie avec les Autrichiens, la nouvelle fut célébrée par une fête populaire qui rappelait un peu le bon temps de 1789.  
    Après avoir dansé sur les Allées Marines, Pouriquète et Bernard allèrent en fin d’après-midi se promener le long du port. Ils se voyaient presque tous les jours. Le père Hazembat n’avait pas voulu que Bernard reprît la navigation tout de suite, car son épaule était encore douloureuse et, de toute façon, les équipages de vétérans et d’éclopés suffisaient largement au trafic réduit de la rivière.  
    Leurs rendez-vous préférés étaient les jardins des ci-devant Capucins ou les prairies qui s’étendaient en amont des Allées Marines. Entre les baisers, Pouriquète se faisait raconter par le menu ce que Bernard voulait bien lui dire de ses aventures. Mais elle comprenait à demi-mot et, en le harcelant de questions, elle avait vite fait d’identifier le personnage de Belle. Les autres, elle les devinait, mais c’était toujours à Belle qu’elle revenait, comme par jeu et agacerie.  
    — Qu’est-ce que tu faisais avec elle ? Montre-moi !  
    Bernard n’était que trop enclin à faire la démonstration. Elle arrêtait le jeu à une limite qui allait chaque fois un peu plus loin. Il y avait une douceur énervante dans la frustration que Bernard éprouvait. Docile, il souriait bêtement en mâchonnant un brin d’herbe, tandis qu’elle se rajustait d’un air faussement courroucé.  
    —  Vivant, brutas ! Ne pôdes pas esperar dinc au maridatge ? Il y en a à peine pour un an ou deux !  
    — Et si je pars pour la guerre ?  
    — Tu sais bien qu’on va faire la paix !  
    — Avec les Anglais, ça m’étonnerait.  
    Le soir de la fête, ils n’allèrent ni dans les jardins ni dans les prés. D’un commun accord, ils suivirent le chemin du bord de l’eau, entre les Chais et les Carmes, comme le jour lointain où Pouriquète était allée porter les cocardes à son oncle Mingehort. Leurs pas les conduisirent jusqu’à la venelle où ils s’étaient embrassés pour la première fois en amoureux et à l’angle de laquelle se trouvait l’auberge du Poudiot.  
    Comme

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