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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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Brunis. Les autres sont Jean Biot qui est de Castillon et qui a surtout servi en Méditerranée et Jean Pell é de Bridoire, un ci-devant de la Réole qui a préféré les périls de la mer à ceux de la guillotine. Je ne connais pas les enseignes. Ils sont inscrits sous les noms de Jean Ducasse et Pierre Béthencourt, mais j’ai l’impression que ce ne sont pas leurs vrais noms.  
    Les sifflets de la maistrance saluèrent lugubrement l’arrivée de Lesbats qui était suivi d’O’Quin.  
    — Et le citoyen Coquin, qu’est-ce qu’il fait ? demanda Bernard.  
    — O’Quin ? Sur le rôle d’équipage, il est porté comme subrécargue, responsable de la cargaison. En fait, il veille sur son bien, puisqu’il représente les armateurs. C’est lui qui occupe la grande cabine de l’arrière.  
    Lesbats vint s’appuyer à la rambarde et promena un regard froid sur l’équipage silencieux.  
    — Marins de la République ! cria-t-il. Nous quitterons notre mouillage ce soir pour descendre jusqu’ à Blaye. Dès le premier moment favorable, nous nous faufilerons dehors à la barbe des Anglais. La sécurité de tous dépend de l’obéissance aveugle de chacun. Je punirai sans pitié quiconque mettrait le navire en péril. Nous n’avons pas de guillotine à bord, mais nous avons une grande vergue et de la bonne corde de chanvre ! Vive la République une et indivisible !  
    Dès la nuit tombée, au jusant, la Belle de Lormont quitta son mouillage et, avec seulement assez de toile pour recevoir le léger nordé qui s’était levé, glissa doucement sur l’eau noire. Les quelques lumières qui scintillaient à Bacalan s’évanouirent derrière le coude de Lormont.  
    A califourchon sur le boutehors de grand voile, Bernard était chargé de relayer vers la timonerie les indications du sondeur posté dans les porte-haubans de proue.  
    — Six brasses ! six brasses !  
    Roumégous était à la barre et Lesbats se tenait au vent à côté de lui.  
    — Cinq brasses et demie ! cinq brasses et demie ! La barre pivota d’un quart de tour vers bâbord. Le s ye ux perdus dans l’obscurité, Roumégous semblait flairer son chemin. La loupiote éclairant l’habitacle laissait à peine deviner les rugosités de son visage.  
    — Six brasses ! six brasses !  
    Au bout d’un temps qui lui parut incroyablement long, Bernard fut relevé par Sven, mais son accent, qui déformait les mots, irrita Roumégous. Sur un geste de Le Coadic, Lacaste alla le remplacer. Au passage, il dit à Bernard :  
    — Va tâcher de piquer un roupillon. On n’aura pas besoin de toi avant le quart du matin.  
    Bernard avait déjà souvent dormi dans un hamac. Pourtant, il resta longtemps éveillé. Suivant la consigne, tout était parfaitement silencieux et il mit longtemps à comprendre ce qui l’empêchait de dormir : c’était l’énorme présence du navire autour de lui, une odeur d’abord, indéfinissable et pénétrante, faite de goudron, de bois sec, de chanvre, de sueur, de soupe et de relents de sentine, et puis surtout les craquements. Toute l’immense structure craquait à chacun de ses joints. C’était sans cesse un pétillement de petites pièces, un jacassement de planches jointives, et, de temps en temps, sur un coup de roulis imperceptible, cela éclatait en rafales, du grave au suraigu, avec parfois un arrachement brutal quand un mât peinait dans son étambrai.  
    A six heures, Lacaste vint le réveiller et il reprit son poste sur le boutehors. C’était Le Coadic, maintenant, qui tenait la barre. Quand le jour se leva, le navire bordait la rive droite de la Gironde. La rive gauche était invisible dans le brouillard. Le sondage cessa au quart de midi, quand surgit de la brume la silhouette massive d’un fort qui devait être le fameux Pâté de Blaye.  
    La Belle de Lormont reprit sa route à nuit tombée et resta le jour suivant à l’abri des canons du Verdon. Lente, paisible et puissante comme une respiration de géant assoupi, la houle du large venait la cueillir au mouillage. Bernard passa l’après-midi à apprendre les pavillons sous la surveillance de l’enseigne Béthencourt qui avait l’air d’en savoir encore moins long que lui. C’était un garçon de quinze ou seize ans dont le visage était vieilli par les deux rides d’amertume qui encadraient sa bouche. Ses yeux étaient froids et sa voix cassante. A un certain moment, sur un mouvement brusque de Bernard, la

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