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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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quand ils encadrèrent Bernard.  
    Dans la cabine du capitaine, à côté de la chambre des cartes, Lesbats l’attendait derrière un minuscule bureau. Biot, Pellé de Bridoire et Béthencourt étaient assis serrés sur la couchette.  
    — Refus d’obéissance, dit Lesbats, c’est cinquante coups de chat-à-neuf-queues. Frapper un officier, c’est la corde de chanvre au bout de la grande vergue. Tu as mérité les deux, n’est-ce pas, Hazembat ?  
    La gorge nouée, Bernard ne répondit pas.  
    — Mais, d’autre part, tu as fait cela pour sauver une vie humaine. J’en tiendrai compte. Je te condamne à recevoir douze coups et ensuite à aller toi-même réparer le fanal sur la vergue de volant d’artimon et vérifier son arrimage. Tu ne redescendras pas avant d’avoir terminé. Et, pour être sûr que ce soit bien fait, M. Béthencourt montera avec toi et surveillera ton travail jusqu’à ce qu’il soit achevé.  
    L’épreuve du fouet fut moins dure que Bernard ne craignait. Il eut l’impression que le second maître ne mettait pas toute son énergie à exécuter la sentence. Cependant, les derniers coups, assenés sur les chairs meurtries et mises à vif, lui arrachèrent des larmes. Il se mordit les lèvres jusqu’au sang pour ne pas hurler. Mondin passa un onguent sur ses plaies, le même qui avait servi le premier jour à soigner ses paumes meurtries, puis lui enfila sa chemise. Remarquant la cocarde que Bernard avait gardée accrochée à son cordon, il dit :  
    — Drôle d’endroit pour porter une cocarde !  
    — C’est le portrait de ma bonne amie, répondit Bernard.  
    Enthousiasmé par ce qu’il prit pour une fière réponse de patriote, le second maître fit claquer son fouet en l’air.  
    — Vive la République ! cria-t-il.  
    — Vive la République ! répondirent les marins assemblés pour assister à la punition.  
    Lesbats, qui, flanqué de Béthencourt, maussade, observait la scène de la dunette, leva son chapeau.  
    — Vive la République, mes amis ! Hazembat a subi le fouet avec la fermeté d’un bon sans-culotte ! Maintenant, qu’il nous montre ce qu’il sait faire en haut du mât d’artimon ! M. Béthencourt brûle de lui donner l’exemple !  
    La montée fut une torture. Profondément entaillés, les muscles du dos étaient traversés par des douleurs fulgurantes. Contrairement à l’étiquette qui exigeait de sauter sur la plate-forme de hune par un rétablissement en voltige, Bernard se hissa péniblement à travers le trou de chat. A la force des poignets et des cuisses, il gagna le perroquet de fougue, puis le volant d’artimon et s’engagea sur le marchepied de vergue. Béthencourt le suivait plus malaisément encore. Vert de peur et de nausée, il tenait à bras le corps le mât tournoyant. Bernard, qui avait retrouvé son équilibre dès qu’il avait senti sous ses pieds le cordage familier, examina les dégâts que la chute avait causés au fanal. Il n’y avait pas grand mal : simplement la grille de protection faussée, une charnière démise et le porte-mèche déplacé de son logement. Les verres épais étaient intacts. Tirant les outils de sa poche, il se mit au travail, prenant plaisir à faire durer l’ouvrage, tandis que du coin de l’œil il observait Béthencourt dont le visage se décomposait de minute en minute.  
    Les mouvements du navire étaient beaucoup moins forts que la nuit précédente et, de son perchoir, Bernard pouvait voir que le temps s’éclaircissait par le sud-ouest. Tandis qu’il travaillait, l’officier de quart fit larguer deux ris dans les hautes voiles, signe que le vent mollissait sérieusement.  
    Quand il eut assez laissé traîner la tâche en longueur, il se retourna vers Béthencourt.  
    — C’est terminé, monsieur. Vous voulez venir voir ? L’autre fit un geste comme pour s’avancer, mais la panique le reprit. Il secoua la tête, dents serrées sur son envie de vomir.  
    La torture de la descente parut moins cruelle à Bernard dans la mesure où Béthencourt, paralysé de froid et de peur, dut avoir recours à son aide.  
    Dans l’après-midi, la mer se calma et, quand la cloche piqua le quart de six heures, la Belle de Lormont filait grand largue, toutes voiles dehors, sous une bonne brise de nord-est.  
    — Nous avons pris l’alizé, dit Lacaste. Maintenant, il n’y a plus à craindre que le soleil et l’Anglais.  
    Un peu après la relève, O’Quin fit

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