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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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appeler Bernard dans la grande cabine. Il était assis dans un fauteuil devant la galerie vitrée qui dominait le sillage, sirotant un verre de vin rouge.  
    — J’aime décidément mieux la mer ainsi, dit-il. Cela fait presque un mois que je n’ai pratiquement pas quitté ma couchette. Sers-toi, Hazembat. La bouteille est sur la commode. Un peu de bordeaux ne te fera pas de mal après ce que tu viens d’endurer. Je voulais te remercier d’avoir sauvé Sven. C’est le neveu d’un de mes bons amis, sir Hew Dalrymple.  
    — Il est anglais ?  
    — Oui. Il s’appelle Stephen Holloway. Il travaillait dans nos bureaux. Ils sont une trentaine comme lui dans l’équipage, de toutes les nationalités. Nous avons préféré les évacuer.  
    — Je croyais que les autorités révolutionnaires laissaient les marchands de vin tranquilles.  
    — Pas toujours. Le mois dernier, deux commis des Schröder et Schyler, qui sont pourtant des neutres, ont été emprisonnés pour mercantilisme. Cela a coûté une fortune de les faire libérer.  
    — Et Béthencourt ?  
    — C’est autre chose. Lui et Ducasse sont des ci-devant. Je ne te dirai pas leurs noms, mais l’un est prince et l’autre marquis. Ils ont payé pour émigrer avec une douzaine de leurs fidèles qui sont disséminés dans l’équipage.  
    — Lesbats le sait ?  
    — Bien sûr. C’est un bon patriote, mais il ne crache pas sur l’argent. Lui, Barre et Roumégous font un bon trio de pirates… ou de corsaires, si tu préfères. Biot et Bridoire ne sont pas dans le coup, mais ils ferment les yeux.  
    —  Pellé de Bridoire n’est pas un noble ?  
    — Il l’était, mais le citoyen Bridoire est un bon républicain. Il avait seulement un peu trop d’amis parmi les Girondins. Quand les Montagnards auront fini de s’entre-guillotiner, il espère bien rentrer en France et rejoindre la marine de guerre. Et toi, que comptes-tu faire ?  
    — Je ne sais même pas où nous allons.  
    — Moi non plus. En principe, nous devions aller à la Martinique, mais il paraît que les planteurs ont appelé les Anglais à l’aide. Le pavillon français risque d’être malsain. Les Espagnols nous accueilleraient sans doute moins mal à Cuba ou à Saint-Domingue, car leur alliance avec les Anglais est fragile, mais il est encore trop tôt. Reste la Guadeloupe. Les Anglais auront plus de mal à y prendre pied, mais Lesbats flairera le morceau avant d’y mordre. Barre connaît pas mal de petites îles où il pourra trouver des renseignements. Pour le moment, nous sommes sur une route peu fréquentée, mais quand nous approcherons des Antilles, nous risquerons de faire de mauvaises rencontres.  
    La mauvaise rencontre se produisit alors que la Belle de Lormont sortait d’un grain qui avait arrosé le pont de déluges d’eau tiède, intermède bienvenu après plus de quinze jours de navigation paresseuse sous un soleil brûlant. Partout, prélarts tendus, tonneaux, bailles et baquets recueillaient l’eau de pluie, boisson délicieuse en comparaison de la bouillie croupissante et verdâtre qu’était devenue l’eau de la cale.  
    — Une voile par quart tribord avant ! cria la vigie.  
    — Quelle distance ? demanda Barre au porte-voix.  
    — Cinq ou six milles. Je vois la coque !  
    Son télescope à la ceinture, Barre monta lui-même dans la hune. Quand il redescendit, Lesbats l’attendait.  
    — Un lougre anglais. Sans doute une estafette chargée des liaisons entre la Jamaïque et les îles.  
    — Rien d’autre à l’horizon ?  
    — Je n’ai rien vu. Il fait route sud-sud-ouest et devrait nous intercepter un peu avant la tombée de la nuit.  
    — Il nous a certainement repérés et il est plus rapide que nous. Inutile de finasser. Je prends le commandement. La barre comme ça. Branle-bas de combat, mais je ne veux voir sur le pont que les équipes de manœuvre. Barre, tu fais mettre les quatre canons en batterie à tribord, sabords fermés. Roumégous, tu sais ce que tu as à faire : boulets enchaînés et double charge.  
    Lacaste, qui venait de passer la barre à Le Coadic, dit à Bernard :  
    — Ces lougres de guerre ont en général dix ou douze canons de neuf livres. S’il est seul, on a une toute petite chance.  
    Le navire anglais était maintenant visible du pont.  
    — Il fait des signaux ? cria Lesbats dans son porte-voix.  
    — Non, capitaine !  
    — C’est qu’il doit être

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