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Marin de Gascogne

Marin de Gascogne

Titel: Marin de Gascogne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Escarpit
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    — Sven, dit Béthencourt, allez raccrocher ce fanal.  
    C’était absurde. Le fanal, qui ne servait qu’à faire des signaux, n’était pas allumé et il eût été beaucoup plus simple de faire descendre le mousqueton au moyen de la drisse à laquelle il était fixé. D’autre part, la prudence indiquait de le vérifier avant de le remettre en place. Mais un ordre était un ordre. Sven regarda la mâture d’un air désespéré.  
    — Vous avez entendu, Sven ? aboya Béthencourt. Bernard s’avança.  
    — J’y vais, monsieur. De toute façon, ça va être mon tour.  
    — J’ai donné un ordre à Sven, répondit sèchement Béthencourt. Tenez-vous tranquille.  
    Rassemblant toute son énergie, le jeune Norvégien alla ramasser le fanal et commença la pénible ascension. La houle était moins creuse, mais, à mesure qu’il montait, les mouvements du mât se faisaient de plus en plus amples et imprévisibles. Péniblement, à bout de bras, Sven parvint à engager l’anneau du fanal dans le mousqueton, mais, comme il s’apprêtait à redescendre, son pied glissa du marchepied et il se trouva balancé par les bras à soixante pieds au-dessus du pont, menacé d’être jeté à la mer par un coup de roulis.  
    — Tiens bon, Sven ! j’arrive ! cria Bernard. Béthencourt tourna vers lui un visage tordu de fureur.  
    — Je vous ai dit de vous tenir tranquille !  
    Pellé de Bridoire regardait la scène en silence, tandis que Le Coadic et Lacaste échangeaient des regards exaspérés. Bernard serrait les poings et se mordait les lèvres. Quand Sven lâcha prise, il n’y eut pas un cri. Tout le monde crut qu’il allait passer par-dessus bord, mais, le navire s’étant redressé à cet instant précis, il tomba verticalement et alla se coincer comme un pantin disloqué dans l’angle aigu formé par la corne de brigantine et le mât de senau. Il n’avait pas perdu conscience : ses jambes et ses bras s’agitaient faiblement, essayant en vain de trouver une prise.  
    La première stupeur passée, Bernard s’élança, mais Béthencourt le retint par le bras.  
    — Je vous ai dit de le laisser ! Il faut qu’il apprenne à exécuter les ordres de ses supérieurs !  
    — Il va se tuer !  
    — Cela fait partie de l’obéissance.  
    D’un coup d’épaule, Bernard se dégagea. Béthencourt voulut le repousser d’une bourrade sur la poitrine, mais le poing de Bernard le cueillit sous le menton et l’envoya rouler sur le pont. D’un bond, il fut dans les cordages et, en quelques secondes, rejoignit Sven qui ne remuait plus. Dans l’ombre, il distinguait la blancheur livide de son visage. En force, il le souleva, adossé à la vergue d’artimon, le chargea sur son épaule et entreprit la difficile descente vers le pont.  
    Béthencourt avait disparu et Pellé de Bridoire était au commandement.  
    — Emmenez-le chez le docteur Mondin, dit-il. Après avoir examiné et palpé Sven, le chirurgien hocha la tête.  
    — Contusions multiples, épuisement général, mais rien de grave… sauf ce bras luxé. Je vais remettre l’articulation en place et poser une attelle.  
    Quand il souleva le membre, Sven poussa un cri et ouvrit les yeux. Son regard vague se posa sur Bernard.  
    —  You… saved me…, articula-t-il péniblement. You… all right ?  
    — Yes, all right, répondit machinalement Bernard.  
    —  Thank you…  
    Il replongea dans l’inconscience. Bernard leva des yeux étonnés vers Mondin.  
    — Il parle anglais ?  
    — Apparemment… et toi aussi, on dirait.  
    — Juste un peu.  
    Un poing heurta la porte. Deux marins armés entrèrent, accompagnés d’un second maître.  
    — Suivez-moi, dit ce dernier à Bernard.  
    La cale où on le mit aux fers était un réduit entre la réserve d’eau et la soute à munitions. Dans l’obscurité complète, il n’avait pour se raccrocher à la réalité que l’interminable grincement modulé du navire, entrecoupé parfois de trottinements menus. Perdant conscience du temps, il s’endormit. Ce fut Roumégous qui le réveilla, accompagné, lui aussi, de deux marins armés.  
    — Allez ! amène tes gueilles, gonze ! M’est avis que tu vas passer un mauvais quart d’heure, mais tant que nous sommes seuls, je peux bien te dire que tu as bien fait de l’estourbir, ce putassier d’aristo !  
    Les deux marins souriaient, mais ils n’en gardèrent pas moins leurs sabres au clair

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