Marseille, 1198
avant de demander :
— Qu’allons-nous faire chez l’évêque ?
— Respecter notre promesse. Nous avons promis
de revenir lui dire ce que nous avons découvert. Nous avons reçu dix sous d’or
pour cela, tu l’as oublié ?
À l’ Episcopalis turrium , Anna Maria se
rendit directement auprès de frère Benoît, le clerc qui les avait raccompagnés
quand ils avaient rencontré l’évêque Rainier. Malheureusement celui-ci était à
l’hôpital du Saint-Esprit. Frère Benoît proposa donc de les conduire
directement auprès de Michel de Castellaire.
Le juge ecclésiastique habitait une maison à côté
de la grande tour de l’évêché. Il préparait une audience pour l’après-midi
quand il les reçut dans un cabinet qui jouxtait sa chambre, une simple cellule
blanchie à la chaux.
Ce fut Bartolomeo qui raconta ce qu’ils avaient
fait et ce qu’ils avaient appris. Pendant qu’il parlait, Anna Maria examinait
la petite pièce où ils se trouvaient ainsi que la chambre dont on apercevait un
pilier du lit et un haut coffre sur lequel étaient posés des vêtements.
— Que va faire le viguier ?
— Il nous a demandé de l’aider à faire évader
Roncelin, dit Anna Maria.
— Vous prenez beaucoup de risques pour un
homme qui n’en vaut pas la peine.
— Le camerarius de Sa Sainteté nous a
dit de tout faire pour transmettre sa proposition au vicomte Roncelin.
— Je ne parlais pas de Roncelin mais de
Hugues de Fer.
Il se rendit dans sa chambre et revint avec cinq
pièces d’or qu’il donna à Bartolomeo. Puis il lui tendit sa main à baiser et
fit de même avec Anna Maria.
Robert de Locksley aperçut Guilhem d’Ussel dans la
Grand-Rue. Le troubadour rentrait à l’auberge après être allé au palais de
Roncelin où il avait interrogé les domestiques. Il se confirmait que personne
ne savait où se trouvait le vicomte.
Guilhem n’était pas retourné à la tannerie. Il
n’arrivait pas à prendre de décision et à donner une réponse à Constance. Où
pouvait se trouver Roncelin ? Devait-il partir à sa recherche ? Et
s’il le trouvait, s’il était prisonnier, que pourrait-il faire ? Tenter de
le délivrer ? Seul, ce serait impossible ! N’était-il pas plus simple
de rentrer à Toulouse ?
Il savait qu’il était surtout attiré par la jeune
femme. À son âge, n’avait-il pas une occasion unique d’obtenir une épouse riche
et belle ? Il pourrait s’installer dans cette ville, devenir un notable,
consul peut-être. Ce serait une revanche sur le passé.
Mais il y avait un prix à payer. Il y avait
toujours un prix à payer. En l’occurrence, il devrait trouver et ramener les
assassins de Madeleine, et accepter aussi qu’on les supplicie, ou plus
exactement qu’elle les supplicie ! Pourrait-il vivre ensuite avec
elle ?
— Guilhem ! entendit-il.
Il se retourna, c’était Locksley.
— Retournes-tu à l’auberge ?
— Oui, tu m’accompagnes ?
Ils se tutoyaient désormais.
— C’est toi qui m’accompagnes, j’ai à te
parler. J’ai une proposition à te faire.
— À moi ? (Il fronça les sourcils.) Il y
a beaucoup de monde dans la rue, entrons là, nous serons au calme.
C’était un petit bouge où il était déjà venu se
désaltérer. Le cabaretier n’avait qu’un vin clairet, mais excellent. Il venait
d’un petit port de la côte nommé Cassis.
Ils descendirent quelques marches. La salle était
froide. Il y avait deux grandes tables de planches occupées par des
crocheteurs. Guilhem s’assit sur une escabelle, dans un coin à l’écart, et
Locksley sur un rondin de bois.
— Sais-tu ce qui se passe dans cette
ville ? demanda-t-il.
— Non.
— Je viens d’apprendre que le vicomte de la
ville a été capturé par un de ses ennemis. Le viguier cherche des hommes pour
le délivrer.
Guilhem resta un instant interloqué tant il ne
s’attendait pas à entendre ça.
— Qui est cet ennemi ?
— Il se nomme Hugues des Baux.
— Délivrer quelqu’un dans le château des
Baux ? On m’a dit que c’est une forteresse imprenable.
— Il a un plan. Il m’en a parlé et il me
paraît réalisable. J’ai demandé trois cents pièces d’or en cas de succès et
trente pièces par jour de gage. Cela me permettra de quitter la ville. Tu
pourrais en avoir autant. Je suppose que tu reçois moins que ça comme
troubadour !
— Mais je ne risque pas d’être pendu, sourit
Guilhem en hochant la tête.
Il leva un bras
Weitere Kostenlose Bücher