Marseille, 1198
centaine
d’hommes d’armes dans le château. Vous ne leur échapperez pas.
— Je sais. Il faudrait qu’on soit
suffisamment nombreux pour forcer la porte, mais plus nombreux on sera, plus
vite on sera repérés.
— Et comment escalader les murailles ?
Les Italiens nous ont dit que la falaise et les murs dépassaient trente pieds.
— Je n’ai pas de réponse pour l’instant,
répondit Fer, désemparé.
— J’ai songé à une autre idée, proposa Ibn
Rushd. Nous pourrions demander l’hospitalité.
— Nous ?
— J’en serai. Je suis médecin et Hugues des
Baux est malade.
— Je refuse. L’enlèvement de Roncelin ne te
concerne pas, et si tu es pris, tu connaîtras une mort effroyable. Tu es mon
hôte.
— À mon âge, je suis déjà presque mort,
sourit Ibn Rushd. Mais je ne peux y aller seul ! En seras-tu ?
— Je le dois, il est mon suzerain et je suis
son viguier.
— Nous devrons être plus nombreux. Peut-on
compter sur ton écuyer ?
— Non, il doit s’occuper de ma maison. Il y a
aussi les tâches de viguier qu’il assumera.
— Si les jongleurs venaient avec nous, ils
pourraient être utiles, ils connaissent les lieux.
— Ils ne voudront pas retourner là-bas, dit
Fer en secouant la tête.
— Il faut leur en parler. Et même s’ils
acceptent, nous devons être plus nombreux.
— J’avais songé à Robert de Locksley. Il
serait de bon conseil puisqu’il a déjà réussi des évasions.
— Pourquoi risquerait-il sa vie ?
— Pour l’argent. Je pourrais lui offrir une
broigne maclée, ou même un haubert, ainsi que des gages. Botin a proposé une
récompense à celui qui ramènerait Roncelin.
Ibn Rushd hocha du chef.
— Vois-tu quelqu’un d’autre ?
— Pas pour l’instant. Mais il faut faire
vite. Il faudrait partir demain ou après-demain. Maintenant entrons dans les
détails, supposons que les jongleurs refusent et que Robert de Locksley
accepte. Nous serons trois. Que ferons-nous ?
— Hugues des Baux te connaît ?
— Oui.
— Donc tu ne pourras pas entrer dans le
château. Tu attendras quelque part à proximité pour nous soutenir quand nous
fuirons. Nous serons des voyageurs. Je suis médecin et je gagnerai facilement
la confiance de Hugues des Baux. Pendant ce temps, le comte de Huntington devra
trouver un moyen d’accéder aux prisons et, une nuit, nous irons délivrer votre
vicomte.
— C’est faisable, mais comment sortir
ensuite ?
— Tu m’en demandes trop ! grimaça Ibn
Rushd. Il faudrait connaître mieux les lieux et Robert de Locksley aura
peut-être une idée. Il y a sans doute une poterne. Si nous y parvenons, tu
devras être prêt avec des montures, car nous n’en aurons pas.
Fer fit immédiatement chercher les jongleurs et
leur expliqua ce qu’il envisageait.
— Nous ne voulons pas y retourner, seigneur,
déclara immédiatement Bartolomeo.
— Vous seriez bien payés, vous connaissez les
lieux.
— Comment justifier que nous revenions ?
demanda Anna Maria.
— J’ai dit qu’on n’y allait pas ! cria
Bartolomeo avec un regard apeuré.
— Nous avons besoin d’argent, mon
frère ! répliqua-t-elle.
Elle ajouta :
— Tu n’as qu’à rester ici à m’attendre.
Elle se tourna vers Hugues de Fer.
— Je veux cinq cents sous d’or !
— Vous êtes folle ! s’exclama Hugues,
songeant quand même que Botin avait promis six cent cinquante sous à ceux qui
délivreraient Roncelin.
— C’est le prix de ma vie.
En revenant des Baux, Anna Maria avait songé que
Hugues pourrait lui demander de le faire entrer dans la forteresse, aussi
s’attendait-elle à sa proposition. Elle avait donc décidé de monnayer au plus
cher ses capacités. Cet argent les mettrait pour la vie à l’écart du besoin,
car elle ne comptait plus sur le pape.
— Je vais déjà vous donner ce que je vous
dois, dit Fer après un instant de réflexion. Pour la suite, je vous propose de
venir avec nous et de nous aider à libérer notre vicomte. Si nous y parvenons,
vous aurez quatre cents sous d’or, sinon, vous n’en aurez que cent.
— Et si je ne reviens pas ?
— Je m’engage à laisser la somme à votre
frère.
— Je veux un engagement écrit devant notaire.
Et que les choses soient claires : je ne me battrai pas, je serai seule
juge de ce que je peux faire ou ne pas faire pour vous aider. Si la situation
est trop dangereuse pour moi, je partirai, et j’aurai quand même mes cent
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