Marseille, 1198
chance.
Les gardes éloignèrent Fer et les jongleurs à
l’autre bout de la salle. La pièce formait donc un champ clos d’une dizaine de
cannes de long.
Guilhem fit quelques pas en arrière, comme apeuré,
tandis que les deux chevaliers, assurés de leur force, s’avançaient sans
crainte, car leur épée était plus lourde et plus longue que celle du
prisonnier.
Foulque était de petite taille, brun, trapu, visiblement
de peu d’esprit tandis que Martial était plus grand et ventripotent. Sans les
perdre de vue, Guilhem balayait la salle du regard à la recherche d’une idée.
Soudain Foulque s’élança et le frappa de taille avec toute la force dont il
était capable. Guilhem n’eut que le temps de lui opposer son bouclier, mais en
travers, faisant glisser la lame, ce qui déséquilibra son agresseur. Une feinte
qu’il maîtrisait parfaitement. Mais déjà Martial d’Arsac frappait à son tour.
D’un saut, Guilhem l’évita et la lame du chevalier Baussenque heurta une dalle
du sol, provoquant une étincelle et quelques cris d’effroi dans l’assistance.
Disposant de quelques secondes de répit, Guilhem
s’était écarté vers le mur en face de la cheminée et attendait le prochain
assaut. Il savait que les chevaliers, mis en difficulté devant leur seigneur,
avaient maintenant besoin de s’affirmer. Donc ils commettraient des fautes. Il
les vit s’écarter pour le prendre en tenaille. Dos au mur, il arracha une
petite tapisserie qui ne tenait que par des anneaux et la jeta comme un fouet
sur Foulque qui ne s’y attendait pas. La tenture s’abattit sur sa lame qu’il
tenta de dégager pendant que Guilhem lançait de toutes ses forces son épée dans
les jambes de Martial qui s’écroula sous la violence du choc. Sans perdre un
instant, Guilhem se précipita sur lui et lui abattit la rondache sur la tête.
Le sang jaillit par les narines et par la bouche.
Désarmé, Guilhem courut au mur d’en face où
étaient suspendues des panoplies d’armes. Il saisit ce qu’il trouva à portée de
main : un fauchard à crocher et un fléau d’armes, juste au moment où
Foulque se précipitait sur lui.
Dans l’espace réduit de la salle, Guilhem avait
deviné que sa faiblesse pouvait être une force. Avec haubert, écu de fer et
lourde épée, ses adversaires seraient peu mobiles. Maintenant que Martial
d’Arsac était presque sans connaissance, la partie était égale. Il abattit le
fléau d’armes sur l’écu de Foulque, tandis que du fauchard, il déviait son
épée. Le second coup du fléau fut sur l’épée qu’il arracha des mains de son
adversaire.
Foulque recula, les yeux empreints de terreur,
cherchant vainement une arme, tandis que Guilhem s’avançait vers lui, le long
fauchard en avant, cherchant un passage vers sa gorge. Pourtant, de façon
inattendue, il baissa le fauchard pour lui attraper un mollet qu’il tira à lui.
Le lourd chevalier s’écroula et Guilhem lui mit la lame sur la gorge.
— Combien payerez-vous pour la rançon ?
demanda-t-il.
— Assez ! cria Hugues des Baux en se
levant. Saisissez-vous de lui !
Guilhem hésita à égorger Foulque, mais sachant
qu’il ne pourrait sortir vivant s’il le faisait, il l’assomma d’un violent coup
sur la face avec le manche de l’arme.
Déjà une dizaine de gardes se précipitaient dans
sa direction. Il recula et ramassa l’épée de son adversaire.
— Qui approche est mort ! leur
lança-t-il, jambes légèrement pliées, prêt à frapper.
Tandis que les gardes hésitaient, n’ayant ni arc
ni arbalète, Guilhem se rapprocha de Hugues des Baux. Aussitôt Raimbaud de
Cavaillon et Monteil se mirent en avant pour protéger leur seigneur, mais à six
pas de Hugues, Guilhem jeta ses armes au sol.
— Comment trouvez-vous que je manie l’épée,
seigneur des Baux ? persifla-t-il.
Castillon s’était levé. Étouffé de colère et de
honte, il s’apprêtait à sortir sa lame quand son frère l’arrêta.
— Je vous ai sous-estimé, noble troubadour.
Je crois bien que vous ne m’avez pas menti, et il serait dommage que je me
prive de vos talents. Puisque vous avez accepté la proposition du viguier de
Marseille, êtes-vous prêt à entendre la mienne ?
— Pourquoi pas ?
— J’ai besoin de chevaliers. Prêtez-moi
allégeance et vous serez libre.
— Je ne suis qu’un mercenaire, seigneur. Je
change facilement de maître contre de meilleurs gages.
— Vous êtes un félon ! cria Fer,
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