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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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D’après ce que je comprends, ça vous ferait trop plaisir de voir cette femme-là à la corde avec son mari.
    Le juge Pelletier flaira la stratégie de Francœur. Il se pencha un peu pour dire avec sympathie au témoin :
    — Ne répondez pas à ça, madame. Ici on parle des faits, pas des opinions.
    Puis, son regard sévère ramena l’avocat à des échanges plus convenables. Ce dernier en vint aux coups portés avec un manche de hache.

    — Est-ce que l’accusée vous a dit qu’elle était obligée de corriger les enfants durement, ou sévèrement? questionna-t-il en revenant abruptement à un sujet déjà abordé.
    — Nous autres, on ne parle pas si bien. L’un revient à l’autre.
    — L’un revient à l’autre, pour vous ?
    — Oui. Je ne suis pas si instruite. On dit la première parole qui vient à l’idée, soit durement, soit sévèrement.
    Les spectateurs et les membres du jury se disaient bien, eux aussi, que cet avocat «pétait plus haut que le trou», en jouant ainsi sur les mots.
    — Mais revenons à la question : vous a-t-elle dit durement ou sévèrement ?
    — Je ne me rappelle pas trop.
    — Est-ce qu’elle vous a dit qu’ils la corrigeaient à propos de rien ou était-ce à cause de sa conduite ?
    — A cause de sa conduite : elle voulait jouer, elle refusait de laver la vaisselle, elle se couchait à minuit ou à trois heures du matin, parfois par terre.
    Marie-Anne Gagnon n’avait donc pas fait mystère de ses difficultés ou des corrections infligées aux enfants. Francœur voulut énumérer les offenses de ceux-ci.
    — Est-ce qu’elle vous a dit qu’elle faisait par terre ?
    — Oui.
    — Partout?
    — Oui.
    Cette fois, la salle se montra plus attentive. A dix ans, ce genre de comportement trahissait un état grave.
    — A-t-elle dit qu’elle faisait dans les habits de son père?
    — Oui, mais ce n’était pas vrai.
    — Comment?
    — Elle accusait l’enfant, elle disait que c’était l’enfant qui faisait ça. Elle n’a pas avoué l’avoir fait elle-même.
    Devant ce sous-entendu, l’avocat recula d’abord, puis il réussit à faire répéter au témoin que Marie-Anne Houde accusait Aurore de ce comportement étrange. Les spectateurs ne retiendraient pas l’accusation de la voisine contre la belle-mère.
    — A-t-elle dit qu’elle volait de l’argent?
    — Oui.
    — A-t-elle dit qu’elle était impure ?
    — Oui.
    Le « Oh ! » de la foule témoigna du transfert de sympathie en train de s’effectuer, de la victime à l’accusée.
    — Vous a-t-elle dit qu’elle avait même volé dans l’église ?
    — Oui, elle nous a dit ça aussi.
    Cette formulation contenait un doute. Francœur prit bien garde de demander si ces accusations paraissaient crédibles au témoin.
    — Elle n’a pas dit que les deux petites filles s’amusaient ensemble, quand elles partageaient le même lit ?
    — Non, pas au début. C’est venu ensuite, cette explication-là.
    Mathieu s’avança sur le bout de sa chaise, attentif. Le sujet inquiétait particulièrement sa protégée. L’avocat, quant à lui, semblait aller de surprise en surprise, comme s’il découvrait des failles dans le récit des parents. Cela l’incitait à la prudence.
    — Avez-vous vu l’accusée fréquenter l’église, à Fortierville, madame?
    — Oui.
    Établir la religiosité de sa cliente légitimerait en quelque sorte les sévères corrections décrites plus tôt : cette bonne âme tenait au salut de ses enfants.
    — Allait-elle à la messe ?

    — Oui.
    — Se confessait-elle, à votre connaissance ?
    — Elle devait y aller, je ne la suivais pas.
    Exilda se refusait à la dépeindre comme une chrétienne d’élite. De toute façon, seul le curé Massé pourrait s’aventurer en ce sens... si son évêque lui permettait de se présenter à la barre, bien sûr.
    — Elle faisait sa religion comme tous les autres, n’est-ce pas?
    — Oui, je crois bien.
    Malgré la longue discussion sur le concubinage, Francœur arrivait à lui faire admettre que Marie-Anne Houde partageait les valeurs morales de ses voisins.
    — Les Gagnon envoyaient leurs enfants à l’école ?
    — Non, ils n’allaient pas en classe.
    — Ils n’y allaient pas pendant l’hiver.
    — Ni pendant l’été.
    De nouveau, il paraissait surpris de la réponse.
    — Vous jurez ça, vous ?
    Il adoptait un ton de défi. Droite et digne derrière la barre, Exilda aimait trop ces petites joutes pour se dérober.
    — Bien, ils ont

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