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Mathieu et l'affaire Aurore

Mathieu et l'affaire Aurore

Titel: Mathieu et l'affaire Aurore Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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excréments et même de l’impureté, Francœur cherchera dorénavant à faire porter toute la responsabilité du décès sur elle. Je ne voulais pas l’aider.
    — Cette stratégie pourrait lui valoir deux verdicts d’innocence: celui de Marie-Anne Houde pour folie, celui de Télesphore, car il a été berné par la folle !
    Mathieu paraissait troublé par la possibilité d’un dénota ment de ce genre.
    — Je vous l’ai dit dès le début, conclut le substitut du procureur général avec un sourire cynique, ne sous estimez jamais un adversaire. Notre vieux garçon sait ce qu’il fait. En chargeant trop l’épouse, aujourd’hui, j’aurais pu aider à faire innocenter l’époux la semaine prochaine.
    Le jeune homme regarda défiler les maisons par les fenêtres du taxi, un peu décontenancé par cette éventualité.
    Même si le retour au palais de justice s’effectua promptement, avec la permission du juge, les travaux reprirent tard en après-midi. Le délai témoignait du désarroi de l’équipe de la défense. Présenter le couple Gagnon comme des parents exemplaires soucieux de réformer les mœurs d’une gamine vicieuse ne faisait plus recette. Francœur ruminait une nouvelle stratégie.
    En attendant le début de l’audience, la grande salle bruissait des conversations des spectateurs. Ceux-ci discutaient des derniers témoignages avec entrain. Les avocats de l’accusation, à leur table, tendaient une oreille curieuse.
    Le verdict refléterait l’opinion publique. A la fin, le tout se résumerait à juger de l’étendue du droit des grandes personnes à châtier des enfants.
    Quand les jurés vinrent reprendre leur siège, tous se lurent dans l’attente de la suite des événements. Puis, ce fut au tour de l’accusée, une silhouette noire flanquée de deux agents de la paix, de se présenter. Enfin, le juge Louis-Philippe Pelletier regagna sa place un peu après deux heures et demie, et l’avocat de la défense, la sienne. Sans donner d’explication sur la reprise tardive de l’audience, le magistrat interrogea :
    — Maître Fitzpatrick, qui entendrons-nous cette fois ?
    — Monsieur Oréus Mailhot, le juge de paix de Sainte-Philomène-de-Fortierville.
    Au passage, le marchand général salua Mathieu d’une inclinaison de la tête. Le journal La Presse lui faisait maintenant une réputation de justicier, puisque cet homme s’était donné la peine de se rendre au bureau du procureur général afin de signaler la situation de la pauvre victime.
    Ces louanges servaient toutefois de préambule à une sévère critique de l’administration de la justice. Les fonctionnaires n’avaient
    rien
    fait.
    Le
    périodique
    montréalais
    n’allait pas jusqu’à rendre cette incurie responsable du décès tragique. On en appelait toutefois à la réforme du mode de traitement des signalements de ce genre.
    Après les premières questions destinées à présenter le personnage, le substitut du procureur général demanda :
    — Certaines des pièces à conviction déposées sur cette table sont passées entre vos mains, je pense.
    — En réalité, une seule : la sangle ayant servi à bâillonner la petite.
    — Qui vous l’a remise ?
    — Monsieur Gédéon Gagnon.
    Les jurés risquaient encore de s’emmêler dans les liens de parenté, à cause de l’abondance de Gagnon défilant devant eux. Le procureur entendit leur simplifier la tâche.
    — Il s’agit bien du beau-père de l’accusée.
    — Oui, monsieur.
    Ce parent, un de plus, apportait sa contribution à la Couronne, et non à la défense.
    — Vous possédez aussi un document relatif à cette affaire.
    — Je ne peux juger de sa pertinence. Marie-Jeanne m’a remis une lettre écrite de la main d’Aurore, il y a quelques mois, quand elle se trouvait à l’Hôtel-Dieu.
    — Pourquoi la jeune fille vous a-t-elle confié ce document ?
    — Elle a dit : « C’est un souvenir pour vous, parce que vous avez essayé de la sauver. »
    La remarque émut la salle. Non seulement Oréus Mailhot tressait sa propre auréole, mais il faisait bien paraître le témoin vedette entendu la veille.
    — Votre Honneur, déclara le substitut du procureur général, comme j’ai appris l’existence de ce document très récemment, nous pourrons discuter plus tard avec mon savant confrère de la pertinence de l’ajouter à la preuve.
    De son siège, Francœur résista à une envie folle de lui tirer la langue. Les mots « savant confrère » se

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